Débat public - Éoliennes flottantes au sud de la Bretagne
Des éoliennes flottantes au sud de la Bretagne : discutons-en !
Q2 • Projet éolien offshore flottant sud Bretagne
Réponse publiée
Qui sera propriétaire du parc : l'Etat ou des sociétés privées européennes non françaises ? Quelle durabilité des installations ? Qui financera l'installation, la maintenance, les réparations ? Combien de temps prendra la réalisation jusqu'à la mise en service ? Est-ce que le projet se couplerait avec l'arrêt de centrales nucléaires trop coûteuses, dangereuses ou périmées, et si oui quelle équivalence de production électrique ?
Réponse officielle :
Réponse de la maîtrise d'ouvrage
Bonjour Pascale et merci pour votre question.
Concernant la propriété du parc
- Pour ce qui est des éoliennes
Le propriétaire du parc sera sélectionné à l’issue d’une procédure de mise en concurrence. Les candidats qui se présentent à la procédure sont soit des énergéticiens exploitant notamment des parcs éoliens en mer, soit des consortiums composés d’énergéticiens, de développeurs de parcs éoliens en mer, de financeurs, d’entreprises spécialisées dans les travaux en mer, etc. Après sa désignation, le lauréat doit créer une société qui portera le projet jusqu’à son démantèlement. La propriété du parc est la même qu’il soit positionné dans le domaine public maritime ou dans la zone économique exclusive.
Les procédures de mise en concurrence des projets éoliens en mer sont régies par les principes généraux de transparence et de non-discrimination prévus par la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009 (dans sa version en vigueur jusqu’à la fin de l’année 2020) et par le code de l’énergie.
Le code énonce que « toute personne installée sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne ou, dans le cadre de l'exécution d'accords internationaux, sur le territoire de tout autre État et désirant exploiter une unité de production peut participer à cette procédure de mise en concurrence » (art. L. 311-10-1).
Ainsi, toute société privée européenne, internationale, française ou non, pourra participer à l’appel d’offres.
Le décret du 17 août 2016, codifié aux articles R.311-25-1 à R.311-25-15 du code de l’énergie, prévoit que la procédure de mise en concurrence pour les projets éoliens en mer peut désormais être menée sous la forme d’un « dialogue concurrentiel ». Les candidats sont d’abord présélectionnés sur la base de leurs capacités techniques et financières, analysées par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), autorité administrative indépendante en charge de la régulation du marché de l’énergie. Ensuite, l’État met en place le dialogue concurrentiel, c’est-à-dire qu'il organise des échanges avec les candidats présélectionnés sur le projet de cahier des charges, notamment afin de définir les modalités de la procédure et de partager les risques de façon optimale entre l’État et le futur lauréat. Le cahier des charges fixe notamment les principales caractéristiques du projet et de son raccordement, mais également les critères de notation des futures offres. La CRE transmet ensuite le cahier des charges aux candidats présélectionnés qui élaborent leurs offres. Dans son offre, chaque candidat présélectionné s’engage notamment sur un tarif de référence pour l’électricité produite, en €/MWh. Enfin, le lauréat est désigné par l’État, après examen des offres par la CRE.
- Pour ce qui est du raccordement
Responsable du réseau public de transport d’électricité en France, RTE est chargé de raccorder le futur parc éolien au réseau électrique. Depuis la loi no 2017-1839 du 30 décembre 2017 (art. 15-V), RTE a vu son périmètre de responsabilité s’étendre : RTE est en charge de la construction, du financement, de l’exploitation et de la maintenance de la plateforme électrique en mer. En lien avec le lauréat producteur, RTE conduira une démarche d’évaluation environnementale pour concevoir et réaliser le raccordement tant dans sa partie maritime que terrestre.
Le coût du raccordement aux parcs éoliens en mer est payé par les consommateurs d'électricité à travers le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE). Le TURPE représente environ un tiers de la facture d'électricité des ménages. Sur le schéma ci-dessous, nous observons que le coût du raccordement des énergies marines est couvert par la partie « réseau de transport », soit la partie bleue qui correspond à environ 10 % de la facture totale d’électricité d’un consommateur résidentiel.
L'édition 2019 du schéma décennal de développement du réseau (SDDR) produit par RTE indique que « la part du réseau de transport devrait rester globalement stable sur la période 2020-2035, voisine de 10 % du coût total du système électrique. Si le transfert financier du budget de l'État vers le TURPE associée à la prise en charge financière du raccordement de l'éolien en mer par RTE (environ sept milliards d'euros sur quinze ans) a bien une conséquence à la hausse sur les sommes prises en charge par RTE au titre du TURPE, ce transfert est globalement neutre pour les citoyens. »
Aujourd’hui, en rythme tendanciel, RTE engage environ 1,3 milliard d’euros d’investissements chaque année ; ce rythme d’investissement devrait augmenter d’environ 600 millions d’euros par an dès les prochaines années avec notamment l’entrée en phase travaux des raccordements des premiers parcs éoliens en mer.
Le volume d’investissement sensiblement supérieur au volume tendanciel habituel, peut paraître élevé pris globalement mais sera étalé sur une période d’au moins 15 ans. Vu du consommateur final, les répercussions de ces besoins supplémentaires d’investissement seront atténuées. En effet, la construction du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) fixé la Commission de régulation de l’énergie, conduit à faire porter par le tarif l’annuité amortie chaque année et la rémunération du capital investi associée. Ces investissements ayant des durées de vie longues, ils sont amortis sur une longue période – de l’ordre de 30 à 40 ans – ce qui tends à limiter le poids annuel des amortissements.
Décomposition du tarif payé par un consommateur résidentiel moyen (Source : RTE, schéma décennal de développement du réseau (2019))
Ainsi, alors que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) avait initialement chiffré à près de 41 milliards d'euros sur vingt ans les charges financières engendrées par les appels d'offres 1 et 2 pour l'éolien en mer (avant renégociation des contrats entre les porteurs de projets et l'État), une partie de ces coûts – ceux correspondant au raccordement – sont désormais pris en charge par RTE via le TURPE et non plus imputés au budget de l'État. Ce transfert, qui conduit RTE à être maintenant responsable de la réalisation mais aussi du financement de ces raccordements en mer, est donc neutre pour la collectivité : l'augmentation correspondante des dépenses au périmètre du réseau public de transport se substitue à une diminution des taxes prélevées par l'État.
Concernant la durabilité des installations, leur financement, maintenance et réparations
La durée de vie d’un parc éolien en mer dépend de ses caractéristiques et des conditions climatiques auxquelles il fait face. Il existe encore peu de retours d’expérience, mais les industriels estiment aujourd’hui que les installations pourront fonctionner au moins 30 ans avant d’être démantelées. Le premier parc posé en mer installé au monde, à Vindeby au Danemark, a été exploité pendant 26 ans avant d’être démantelé en 2017.
Le parc sera financé par les investissements privés du lauréat. Ces investissements sont soutenus par l’État en partie versée sous la forme d’un complément de rémunération, contractualisé entre le porteur de projet et « EDF obligation d’achat » (EDF OA). Ce mécanisme est identique à celui mis en œuvre pour les autres projets d’énergie renouvelables. Ce soutien de l’État est aujourd’hui assuré via un compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » (CAS TE) qui depuis 2017, est alimenté uniquement par une partie des recettes des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui s’applique notamment aux carburants fossiles essence et diésel, et de la taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC) qui s’applique sur les houilles, lignites et cokes. Le soutien aux énergies renouvelables est ainsi financé par des taxes sur des produits énergétiques fortement émetteurs de CO2, et n’a donc pas d’impact sur la facture d’électricité des consommateurs.
L’installation, l’exploitation et la maintenance du parc sont à la charge du producteur durant toute la durée de vie du parc, depuis la mise en service des installations jusqu’au démantèlement.
Concernant la durée de réalisation jusqu’à la mise en service
Aucun parc français n’étant en activité, le calendrier de la phase de travaux jusqu’à la mise en service est encore prévisionnel et projette une mise en service à la fin de la décennie. EDF renouvelables compte deux ans et demi de phase de travaux pour le parc de Saint Nazaire (480 MW). Les retours d’expérience des fermes éoliennes britanniques comptent une phase de travaux comparable, avec environ 3 ans pour une ferme d’1 GW (incluant la phase de travaux à quai). Pour un parc flottant, les grandes étapes de ces travaux sont : les travaux de raccordement, la fabrication des flotteurs, l’assemblage des mâts et nacelle sur leurs flotteurs, le remorquage et l’ancrage.
Les phases d’études techniques et environnementales, préalables aux travaux nécessitent plusieurs années. Ainsi le calendrier prévisionnel du projet de parc de 250 MW avec la désignation d’un lauréat en 2021 envisage une mise en service vers 2028.
Concernant le lien entre ce projet et la mise à l’arrêt d’autres sites de production électrique
La loi « énergie-climat » vise une réduction de la part du nucléaire dans la production électrique de 70 % à 50 % à l’horizon 2035. Ainsi, la loi définit des mesures destinées à développer les énergies renouvelables permettant, entre autres, cette diminution de la part du nucléaire dans le bouquet énergétique national.
La diversification du mix électrique permettra de renforcer la sécurité d’approvisionnement en électricité, en mettant en place des marges suffisantes pour faire face à un éventuel défaut générique grave de plusieurs réacteurs nucléaires, une situation qui d'après l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), peut se produire. Par exemple, l’anomalie de concentration en carbone de l’acier qui a affecté les générateurs de vapeur de douze réacteurs à l'hiver 2016 a mis à mal toute une capacité de production d’électricité au cours de l’hiver. En diversifiant le mix électrique, le développement des énergies renouvelables contribue ainsi au renforcement des marges d'approvisionnement susceptibles de pouvoir palier à de tels événements.
Ainsi, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035, dont ceux de la centrale de Fessenheim, et prévoit une baisse de production d’origine nucléaire de 393 TWh en 2023 à 382 TWh d’ici 2028. Ce qui correspond à 11 TWh par an en moins produits par le nucléaire.
En parallèle, la PPE fixe une augmentation de la production électrique issue de l’éolien en mer dont la puissance installée de 2,4 GW en 2023 augmentera à 6,2 GW d’ici 2028. En considérant qu’un parc éolien en mer produit avec un facteur de charge de 45 % (cela équivaut à un fonctionnement à pleine puissance durant 4000 heures par an), les parcs installés d’ici 2028 permettront de produire 24,6 TWh, et l’augmentation entre 2023 et 2028 en puissance installée se traduit en une augmentation de 15,2 TWh de production électrique.
Enfin, le projet d’éoliennes flottantes s'inscrit dans la stratégie régionale en faveur des énergies marines et répond aux enjeux de la transition énergétique en France et plus spécifiquement en Bretagne. Le développement des énergies renouvelables avec une forte capacité de production répond également pleinement aux objectifs de réduction de la dépendance électrique de la région.
- Pour en savoir plus :
- la fiche 15 : quelles seraient les grandes caractéristiques des deux parcs éoliens flottants au sud de la Bretagne ?
- la fiche 16 : comment raccorder les parcs éoliens flottants au réseau électrique ?
- la fiche 22 : quelles sont les étapes à venir à la suite du débat public ?
- la programmation pluriannuelle de l’énergie : décret 2020 456, https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/4/21/TRER2006667D/jo/texte et https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/20200422%20Programmation%20pluriannuelle%20de%20l%27e%CC%81nergie.pdf
- Sources
- Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2017/12/30/TREX1722331L/jo/texte. Article codifié L. 342-7 du code de l’énergie, https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2017/12/30/TREX1722331L/jo/texte
- RTE, 2019, Schéma décennal de développement du réseau, https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/le-schema-decennal-de-developpement-du-reseau#LeSDDR
- « The installation period for a 1GW wind farm is typically three years from the start of onshore works », p.79, https://www.thecrownestate.co.uk/media/2860/guide-to-offshore-wind-farm-2019.pdf
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