Débat public - Éoliennes flottantes au sud de la Bretagne
Des éoliennes flottantes au sud de la Bretagne : discutons-en !
Q6 • Ne s'agit-il pas d'un investissement inutile du point de vue de la transition écologique ?
Réponse publiée
Le rapport présente une estimation d'investissement de 750 millions d'euros pour un parc de 250 MW.
Qui paiera cet investissement ? La région ? L'Etat ?
Pourquoi investir dans l'éolien alors que notre électricité est déjà bas carbone ? On sait aussi que les intermittences de l'éolien perturbent le réseau électrique et justifient alors la construction de la centrale à gaz de Landivisiau.
Ce parc éolien est-il réellement utile pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Pourquoi ne pas investir cet argent dans la rénovation thermique, les transports en commun, la filière biogaz, les chaufferies bois, bref : les économies d'énergies ?
Pouvez-vous me convaincre que tout ceci n'est pas du greenwashing ?
Réponse officielle :
Bonjour et merci de votre question.
Le modèle économique de l’éolien en mer
Il n’existe pas de parc commercial flottant en activité, mais des simulations de coûts ont été réalisées, notamment par le Centre pour la recherche économique et ses applications (maintenant part de TNO) aux Pays-Bas. Ces évaluations déterminent le coût d’un projet éolien en mer flottant compris entre 600 et 700 M€ environ pour 250 MW (hors raccordement au réseau de transport). Ces investissements sont supportés par le développeur éolien lauréat de l’appel d’offre.
À l’heure actuelle les coûts de la plupart des énergies renouvelables sont encore supérieurs aux prix de marché, bien qu’ils aient fortement diminué. Face à ce contexte, l’État a fait le choix de soutenir financièrement le développement des énergies renouvelables, notamment en mer, pour contribuer à la transition énergétique. Cette aide prend la forme d’un complément de rémunération : l’État complète la rémunération perçue par le producteur qui vend son électricité sur le marché, pour atteindre le tarif fixé lors de la procédure de mise en concurrence. Le complément de rémunération est symétrique : dans le cas où les prix de marché de l’électricité sont supérieurs au tarif fixé lors de la procédure de mise en concurrence, le producteur rembourse la différence à l’État.
Depuis 2017, le CAS TE ou compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » sert de support budgétaire au financement des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables. Il est alimenté uniquement par une partie des recettes des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) – qui s’applique notamment aux carburants fossiles essence et diésel, et de la taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC) qui s’applique sur les houilles, lignites et cokes. Le soutien aux énergies renouvelables est actuellement financé par des taxes sur des produits énergétiques fortement émetteurs de CO2, et n’a donc pas d’impact aujourd’hui sur la facture d’électricité des consommateurs.
Pour les installations de forte puissance comme les parcs éoliens en mer, cette subvention est versée sous la forme d’un complément de rémunération, contractualisé entre le porteur de projet et « EDF obligation d’achat » (EDF OA). Ce mécanisme est identique à celui mis en œuvre pour les autres projets d’énergie renouvelables.
Cependant, le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » va être supprimé à compter du 1er janvier 2021, suite au vote du projet de loi finances 2020. Les fonds utilisés pour financer les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables en électricité ou gaz proviendront donc directement du budget de l’État. Cela signifie que les recettes des taxes sur les produits intensifs en CO2 ne seront plus directement liées au financement des énergies renouvelables car versées au budget général de L’État. De plus, les fonds versés par EDF OA proviendront aussi directement du budget de l'Etat via le programme n°345 du Projet de Loi Finances intitulé 'service public de l'énergie'.
Ce découplage entre les subventions aux énergies renouvelables et les taxes sur les produits énergétiques intensifs en carbone n'aura néanmoins pas d'incidence sur la facture d'électricité des consommateurs.
En supposant que le premier parc d’éoliennes flottantes de 250 MW fonctionnerait l’équivalent de 4 000 heures par an (équivalent à environ 46 % du temps à pleine charge), et en supposant un prix de l’électricité fixé par le lauréat à 120 €/MWh et des prix de marché de l’électricité de 40 €/MWh sur 20 ans, le coût de soutien s’élèverait à environ 80 M€ par an, hors taux d’actualisation.
Pour l’éolien flottant, les acteurs prévoient une baisse rapide des coûts, convergeant vers ceux de l’éolien posé. En effet, à l’émergence d’une filière, l’incertitude et donc le risque se paient en police d’assurance, ce qui augmente les coûts. La fiabilisation, puis la construction en série, permettent de réduire le risque et entraînent une baisse de ces coûts. Pour repère, les premiers parcs éoliens posés en mer affichaient des tarifs de soutien public de l’ordre de 150 €/MWh.
Cependant, grâce notamment au développement récent de la filière, le coût de soutien public par parc éolien en mer décroît fortement. Ainsi, pour le projet au large de Dunkerque, dernier projet ayant fait l’objet d’une procédure de mise en concurrence en France et attribué en juin 2019 à un consortium mené par EDF Renouvelables, le prix de référence fixé par le lauréat est de 44 €/MWh, soit aux alentours du prix de marché actuel. Lorsque le prix de marché de l’électricité sera supérieur au prix de référence, la différence sera reversée au budget de l’État. La Commission de régulation de l’énergie estime donc que le coût de soutien public pour le projet au large de Dunkerque se situera entre -266 M€ (c’est-à-dire que jusqu’à 266 M€ pourraient être reversés par le lauréat à l’État) et 540 M€.
À terme, il peut également être envisagé des parcs sans subventions publiques (hors raccordement) même si l’incertitude relative aux prix de marché à long terme de l’électricité pourrait freiner leur développement.
Les intermittences des énergies renouvelables et l’intégration au réseau
L’éolien en mer est en effet considéré comme une source d’énergie non pilotable, soumises aux conditions météorologiques. Sa production s’ajoute à celles issues de moyens de production pilotables (centrales nucléaires, thermiques à flamme, et une partie des centrales hydrauliques). Le bilan prévisionnel de RTE publié en 2017 montre que des trajectoires ambitieuses de développement des énergies renouvelables électriques sont possibles jusqu’en 2035 sans avoir recours à de nouveaux moyens de production pilotables et en réduisant la part du nucléaire. Il s’agit notamment du scénario « « Ampère » ». À plus long terme, l’intégration d’un volume plus important d’énergies renouvelables nécessitera de nouvelles solutions de stockage et de flexibilité.
À horizon 2035, les flexibilités existantes et prévues via la programmation pluriannuelle de l’énergie sont donc suffisantes pour couvrir les besoins de la flexibilité liés à la production variable. Elles proviennent de diverses sources : moyens de production pilotables, modulation de la consommation, utilisation intelligente de la recharge des véhicules électriques, interconnexions. L’arrivée d’un parc éolien flottant en Bretagne n’appelle donc pas au développement de nouvelles flexibilités pour le moment. Dans une perspective plus lointaine, RTE prévoit de publier en 2021 un rapport étudiant des scénarios pour le bouquet électrique à horizon 2050.
L’éolien en mer dans la lutte contre le changement climatique – la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)
La lutte contre le changement climatique constitue une priorité pour les pouvoirs publics. Le groupe d’experts intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC) a publié le 8 octobre 2018 son rapport sur « les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C ». Ce rapport trace différentes pistes d’actions pour parvenir à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C d’ici la fin du siècle, en réduisant notre bilan carbone pour finalement atteindre la neutralité [1] carbone aux alentours de 2050. Pour atteindre ces objectifs, les transitions nécessaires que le rapport du GIEC présente concernent en premier lieu le secteur énergétique. Toutes les trajectoires de transition énergétique insistent sur la nécessité de réduire la consommation globale d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel). Elles visent en outre à accroître largement la part des énergies renouvelables dans la consommation mondiale d’énergie primaire [2]. Ces trajectoires nécessitent d’être soutenues par les États via des politiques publiques et des actions concrètes.
En France, le projet d’installation d’éoliennes flottantes au sud de la Bretagne s’inscrit dans le cadre d’une politique publique, encadrée par la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (2015) et la loi énergie-climat (2019). Ces lois fixent le double objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici 2035 de 75 % à 50 %, et d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Il s’agit donc de diversifier le bouquet électrique tout en le maintenant décarboné, en portant la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’électricité à 40 % en 2030. Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement s’est aussi engagé à fermer les quatre dernières centrales à charbon d’ici 2022. Dans ce contexte, le développement des énergies renouvelables permettra de garantir un haut niveau de sécurité d’approvisionnement, en disposant de marges suffisantes pour faire face à un potentiel défaut générique nécessitant l’arrêt conjoint de plusieurs réacteurs nucléaires.
Le développement de l’éolien en mer s’inscrit ainsi dans le renforcement d’un bouquet énergétique décarboné et diversifié, l’objectif étant d’attribuer des projets à hauteur de 1 GW/an à partir de 2024, pour obtenir un bouquet énergétique équilibré, indispensable au foisonnement de la production d’énergie renouvelable. En effet, les courbes de production du solaire et de l’éolien ne suivant pas la même structure temporelle, les productions électriques de ces technologies ne sont pas corrélées. Le développement d’une seule filière, par exemple de la filière solaire, aurait moins de bénéfices pour la sécurité d’approvisionnement (pas de production la nuit et moins de production en hiver) et générerait des coûts massifs pour le système électrique (coûts réseaux, coûts de stockage, etc.). C’est, au contraire, le foisonnement des productions aléatoires en utilisant plusieurs technologies qui permet d’assurer la sécurité d’approvisionnement.
D’autre part, RTE a publié dans le bilan prévisionnel 2019 une estimation des émissions évitées grâce à la production éolienne et solaire, simulant les émissions du système électrique actuel sans ces installations. Cette étude chiffre les émissions évitées à environ 22 millions de tonnes de CO2 par an (5 millions de tonnes en France et 17 millions de tonnes dans les pays voisins). Le développement de l’éolien a également permis de réduire les émissions de dioxyde de soufre (SO2), d’oxydes d’azote (NOx) et de particules fines (produits par les centrales à combustibles fossiles) dans le secteur de l’électricité.
En Bretagne, la centrale à cycle combiné gaz de Landivisiau de 446 MW sera mise en service pour l’hiver 2021/2022 pour répondre à une problématique d'équilibre du réseau de transport d’électricité et donc de sécurité d'approvisionnement électrique.
La sécurisation de l’approvisionnement électrique de la Bretagne est un des trois piliers identifiés dans le Pacte électrique breton voté en 2010 (avec les économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables).
La future centrale à gaz de Landivisiau est un moyen de production pilotable, qui donc pourra être démarré à la demande de RTE lorsqu’il y aura un besoin local de production pour assurer la sécurité d’approvisionnement du réseau électrique. Cet outil de production d’énergie pilotable fait donc partie de la politique de gestion de l’équilibre des réseaux au même titre que les travaux de renforcement des réseaux THT en Bretagne, avec la réalisation d’une liaison souterraine à 225 000 volts reliant Lorient et Saint Brieuc : Filet de sécurité Bretagne - mise en service fin 2017, du déploiement d’automates pour optimiser la gestion du réseau et la mise en œuvre d’autres dispositifs visant à stabiliser la tension, à forcer l’orientation des transits ou encore à augmenter la capacité de transit de certains ouvrages, sans risque d’écroulement de tension, et de réduire les pertes électriques sur le réseau de transport d’électricité tout mécanisme venant en appui de la gestion des pointes électriques, en puissance comme en tension.
Pour la Bretagne, outre les objectifs fixés par la PPE, le développement de l’éolien en mer répond au deuxième pilier du pacte électrique breton pour le développement des énergies renouvelables.
Le développement des énergies renouvelables, notamment de l’éolien en mer, répond à la fois à une politique nationale de réduction des émissions de CO2 afin de faire face au dérèglement climatique, ainsi qu’à une politique de diversification du bouquet énergétique visant à renforcer la sécurité d’approvisionnement française. Les énergies renouvelables se substituent notamment à la consommation de combustibles fossiles en France et Europe et garantissent que le bouquet électrique français restera faiblement émetteur de gaz à effet de serre à long terme.
Enfin, la politique de développement des énergies renouvelables ne doit pas être pensée en opposition aux mesures d’augmentation de l’efficacité énergétique ou de diminution de la consommation d’énergie fossile.
La PPE prévoit aussi une amélioration de 27 % de l’efficacité énergétique reposant sur des dispositifs de certificats d’économie d’énergie (CEE), sur une politique forte de rénovation thermique des bâtiments, des aides à l’achat de véhicules éco-responsables, ou autres investissements permettant de réaliser des économies d’énergie.
Pour plus d'informations, nous vous invitons à consulter: * La Fiche #1 "Pourquoi un projet d’éoliennes flottantes en mer au sud de la Bretagne ? Les enjeux de la programmation pluriannuelle de l’énergie et de la stratégie nationale bas-carbone?", du dossier de la maîtrise d'ouvrage * La Fiche #3 "Quel serait l’impact si le projet ne se faisait pas ? Quelles sont les variantes et alternatives ?", dossier de la maîtrise d'ouvrage * La Fiche #5 "Quelle alimentation électrique pour la Bretagne?", dossier de la maîtrise d'ouvrage
Sources : [1] Ce principe de neutralité carbone impose de ne pas émettre plus de gaz à effet de serre que notre territoire peut en absorber via notamment les forêts ou les sols. Émissions nettes = 0. [2] Rapport spécial sur « les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C », a publié le 8 octobre 2018, https://www.ipcc.ch/sr15/
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