Débat public - En mer, en Normandie : de nouvelles éoliennes ?
Débat public sur les futurs appels d'offres d'éoliennes en mer au large de la Normandie
Q2 • Quels impacts sur la biodiversité marine ?
Réponse publiée
Je souhaiterais connaître les impacts de l'éolien en mer sur la biodiversité marine locale (faune et flore).
Réponse officielle :
Bonjour,
La macro-zone soumise au débat public a fait l’objet d’une étude bibliographique visant à identifier ses principaux enjeux environnementaux maritimes et terrestres. Cette étude a été pilotée avec l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB) et l’Ifremer. Il s’agit d’une première phase d’étude. Une étude plus fine de l’environnement, appelée état initial, sera réalisée par l’État et Rte à l’issue du débat public, sur la zone retenue pour la construction du futur parc éolien en mer d’1GW et de son raccordement. Ensuite, tout au long de la durée de vie du parc éolien en mer, des mesures de suivi seront mises en place. Dans le cas des premiers parcs éoliens en mer en France, un comité de suivi et un conseil scientifique sont chargés de veiller à la bonne application des mesures ERC (Eviter, Réduire, Compenser). Ces comités ont vocation à être créés également pour ce futur parc.
Pour étudier les impacts d’un parc éolien en mer sur la biodiversité marine, trois phases doivent être distinguées : la construction, l’exploitation et le démantèlement. Chaque phase génère des impacts différents.
1. Phase de construction
● Le bruit sous-marin pour la pose des fondations
Suivant les outils et fondations utilisés, une grande disparité acoustique existe. Le battage de pieux, dans le cas où le choix des fondations des éoliennes s’est porté sur le monopieu, est l’opération générant le plus de pression acoustique et ayant potentiellement l’impact le plus fort. Viennent ensuite les bruits émis par les opérations de préparation des fonds (forage, vibro-fonçage, dragage), enfin viennent ceux générés par la navigation.
Durant les travaux, les mammifères marins sont les plus impactés par les bruits impulsifs ou continus générés par l’installation des fondations des éoliennes et du poste en mer, par les opérations d’ensouillage ou de protection des câbles, et par les navires. Une minimisation de la durée des travaux sera systématiquement recherchée par le porteur de projet.
Des campagnes nationales ont été menées pour recenser les mammifères en Manche-Est. Les résultats de ces campagnes seront pris en compte dans le choix de la localisation de la zone de projet, pour éviter autant que possible les zones les plus fréquentées par les mammifères. Une fois la zone de projet connue, des études permettant de connaître plus finement la fréquentation des espèces en présence permettront de déterminer les périodes de moindre présence des individus. Ces périodes seront privilégiées pour réaliser les travaux. De plus, des techniques d’effarouchement seront utilisées, dans un premier temps, pour éloigner les individus présents de la zone de construction et, dans un second temps, protéger ceux restant (par exemple : l’augmentation progressive du niveau de bruit et la mise en place de rideaux de bulles qui atténuent la propagation du bruit).
● Turbidité, modification des sédiments et remobilisation de substances polluantes contenues dans les sédiments
La construction des fondations pour les turbines et le poste électrique en mer, l’ensouillage ou la protection des câbles électriques en mer ou encore l’ancrage des installations et des navires de surface peuvent générer dans l’eau une augmentation temporaire et localisée de la turbidité, une modification des sédiments et la remobilisation de substances polluantes contenues dans les sédiments. Cela a des conséquences pour le milieu vivant, et plus particulièrement pour les habitats benthiques (par exemple, les macroalgues poussant sur substrat dur - fonds marins rocheux - qui ont besoin de lumière pour croître) qui peuvent être colmatés. Dans une moindre mesure, certains poissons peuvent être gênés. L’impact dépend directement de la technique utilisée, de la surface perturbée et de la sensibilité des espèces.
L’État et Rte mèneront des mesures in situ afin de cartographier précisément les habitats benthiques de la zone de projet issue de la participation du public. Le schéma d’implantation du parc éolien en mer devra prendre en compte les informations sur l’état initial environnemental que l’État fournira au porteur de projet. De la même manière, Rte (qui gère la partie raccordement électrique du parc éolien en mer) s’appuiera sur cet état initial des habitats benthiques pour définir l’implantation du raccordement.
● Pollution lumineuse des navires
Le déplacement et l’action des engins pendant la phase travaux, de même que les activités de pêche ou le trafic maritime en général, entraînent une pollution visuelle lors du travail de nuit (mouvements, lumière artificielle) pouvant représenter des nuisances pour les espèces faunistiques présentes au voisinage. Certains oiseaux ou chiroptères peuvent être gênés par la lumière des bateaux et éviteront la zone pendant les travaux, à une distance et pour une durée variable. Une minimisation de la durée des travaux sera systématiquement recherchée par le porteur de projet.
● Risque de pollution accidentelle
Des risques de pollution existent avec les déversements accidentels de contaminants chimiques. Ces risques peuvent être évalués en prenant en compte les quantités maximales de contaminants chimiques présentes dans les navires (hydrocarbures). Des moyens adaptés de contention et d’évacuation de pollutions accidentelles seront définis en amont des travaux.
● Risque de colonisation par des espèces benthiques non-locales
Enfin, certains navires de chantier peuvent venir de loin compte tenu des spécificités techniques rares nécessaires pour un chantier en mer. Ces navires peuvent être porteurs d’espèces benthique non-locales. Un risque de recolonisation existe, qui dépend des communautés en place et du degré de perturbation du milieu. Le lauréat devra ainsi intégrer cette problématique pour sélectionner ses prestataires ou mettre en place les mesures de précaution nécessaires.
2. Phase d’exploitation
Après les phases d’installation et de mise en service, vient celle de l’exploitation. C’est la phase la plus longue puisqu’elle s’étend sur 25 à 30 ans. Elle nécessitera donc un plan de maintenance précis et spécifique à la technologie en mer. Les impacts lors de la phase d’exploitation concernent particulièrement les oiseaux pour le parc.
● Effets sur les espèces volantes : oiseaux et chauves-souris
En phase d’exploitation, les oiseaux sont les plus impactés du fait de la présence et de la rotation des éoliennes, qui génèrent un dérangement visuel et des obstacles physiques. Ces pressions peuvent se traduire par différents types d’impact : contournement à grande distance (effet barrière), évitement à proximité, perte de zone fonctionnelle ou apport de reposoirs artificiels, risques de collisions. Si la littérature semble indiquer des taux d’évitement moyen élevés, les risques de collision dans des conditions limitantes (mauvaises conditions météorologiques, attraction par la lumière en période nocturne, etc.) doivent amener à ne pas négliger ce risque, notamment pour les espèces migratrices, les espèces à longue durée de vie et à faible taux de reproduction et les espèces à fort taux de mortalité annuel. Ce risque est toutefois très variable d’une espèce à l’autre, en fonction de leur altitude de vol préférentielle ou de leur manœuvrabilité en vol.
En phase d’exploitation, la présence du parc engendrera également des effets sur les chauves-souris. Ce sont essentiellement les espèces migratrices, parcourant de longues distances en milieux ouverts, qui sont les plus susceptibles d’être perturbées, en raison de leur réaction à la lumière artificielle, ainsi qu’aux dérangements et à la présence physique du parc éolien en mer.
Comme pour les mammifères, les données de campagnes nationales et celles des campagnes de mesures réalisées pour l’état initial des précédents parcs éoliens en mer seront considérées dans le choix de la localisation de zone permettant de minimiser les impacts du futur parc éolien en mer.
● Effet récif pour le benthique/effet réserve pour les poissons
Les infrastructures introduites dans le milieu constituent des récifs artificiels. Les organismes benthiques et épibenthiques vont coloniser les fondations : cela s’appelle l’effet récif. Cette colonisation est susceptible de modifier la chaîne trophique (c’est-à-dire les relations qui s’établissent entre des organismes en fonction de la façon dont ceux-ci se nourrissent) dans la zone d’implantation du parc. Certains poissons et mammifères marins pourraient être attirés par ce nouveau récif artificiel, si leurs proies sont présentes : cela s’appelle l’effet réserve.
Certains retours d’expérience de parcs éoliens en mer exploités à l’étranger témoignent de l’observation d’un effet réserve pour les poissons avec une diversité accrue de poissons au sein de la zone du parc. Cet effet a notamment été observé dans le parc Horns Rev 1 qui a été mis en service en 2002 à 15 km des côtes ouest du Danemark, où de nouvelles espèces de poissons ont été enregistrées dans le récif artificiel ainsi créé. Les chercheurs n’ont en revanche pas observé de disparitions de certaines populations de poissons. La diversité des espèces de poissons a donc augmenté avec l’implantation du parc. D’autres études menées en Belgique et aux Pays-Bas prouvent également l’existence d’un effet réserve.
Cependant, d’autres retours d’expériences sont plus réservés quant à l’effet réserve permis par le parc éolien en mer. Un programme de contrôle et d’évaluation des impacts sur l’environnement (dont les communautés halieutiques) de la construction de la 1ère ferme éolienne néerlandaise, construite entre 10 et 18 km des côtes en 2006, a été mené par l’IMARES (l’équivalent néerlandais de l’Ifremer). L’étude a réalisé des analyses avant la construction, puis après la construction. Il en ressort qu’à l’échelle de la zone côtière néerlandaise, il ne peut pas être observé d’effet significatif en termes d’abondance. Il a été observé une légère augmentation de l’anchois supposée être un résultat de la diminution de la pression de prédation liée à la protection apportée par la ferme éolienne ; à l’échelle du parc, de nettes différences ont pu être observées entre le nouveau substrat dur (artificiel) et le fond sableux : de grands groupes de poissons ont été observés près des monopieux et des protections anti-affouillement (cabillaud, tourteau, tacaud, chaboisseau commun, chabot de mer et dragonnet lyre), mais une moindre abondance en poissons plats, sole, limande, plie, et merlan.
3. Phase de démantèlement
Les techniques de démantèlement n’étant à ce jour pas définies, il est difficile d’appréhender les impacts lors de cette phase. En termes de bruit, le déroctage par explosif est susceptible d’avoir un impact majeur sur le milieu. Des techniques de démantèlement plus adaptées devront être mises au point par les porteurs de projet. Les solutions retenues par le producteur et Rte dépendront du type de fondation et viseront à limiter les effets du démantèlement sur l’environnement. Par exemple, dans le cas du projet éolien de Courseulles, qui a des fondations monopieu, il est prévu d’enlever la partie des fondations partant des fonds marins jusqu'à la surface afin d’éviter de creuser les fonds marins en enlevant le pieu. Pour le raccordement (sables sous-marins), un maintien des ouvrages pourra être décidé si les études démontrent que les effets négatifs du démantèlement du raccordement sont supérieurs aux effets du maintien.
Les maîtres d’ouvrage : la Direction Générale de l’Énergie et du Climat, et Rte.
Pour plus d’informations, vous pouvez vous référer à:
● La fiche 7.1.1 “L’environnement”, du Dossier du Maître d’Ouvrage (voir en ligne);
● La fiche 8 “En quoi consiste la démarche “Éviter, Réduire, Compenser”? (voir en ligne) ;
● L’étude bibliographique réalisée par l’État et consultable sur le site Géolittoral (voir en ligne) ;
● Les principaux effets sont présentés dans cette réponse, la consultation des études d’impacts des précédents parcs listent l’ensemble des effets pour un parc éolien en mer. Ainsi, l’étude d’impact réalisée pour le projet de parc éolien en mer de Dieppe-Le Tréport peut être consultée (voir en ligne)
● Un programme de contrôle et d’évaluation des impacts sur l’environnement (dont les communautés halieutiques) de la construction de la 1ère ferme éolienne néerlandaise, construite entre 10 et 18 km des côtes en 2006, a été mené par l’IMARES (l’équivalent néerlandais de l’Ifremer)
● Analyse du comportement de la pipistrelle de nathusius vis-à-vis des parcs éoliens en mer au large de la belgique (lien)
● Etude sur la collision des oiseaux (lien)
● Le rapport publié en 2018 par l’institut royal belge des sciences naturelles (Royal Belgian Institute of Natural Sciences, équivalent en France du Museum National d’Histoire Naturelle) : 10 ans de suivi environnemental des parcs éoliens en mer au large de la belgique
● Retour d’expérience du parc Horns Rev 1 au Danemark (lien)
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