Débat public - En mer, en Normandie : de nouvelles éoliennes ?
Débat public sur les futurs appels d'offres d'éoliennes en mer au large de la Normandie
Q7 • Démantèlement des centrales de production électrique
Réponse publiée
Une incertitude majeure des centrales de production électrique est leur démantèlement, et la crainte de voir naître des friches industrielles.
EDF vient d'annoncer qu'il faudra au minimum 17 ans pour démanteler la centrale nucléaire de Brennilis et n'en précise pas le coût. Pour comparaison, en Suède, 3 parcs éoliens en mer ont déjà été intégralement démantelés en quelques mois.
Le maître d'ouvrage pourrait-il comparer le coût planifié du démantèlement de Brennilis au coût de démantèlement des futurs parcs éoliens en Manche et expliquer la manière dont il est financé dans les deux cas pour connaître son coût pour le citoyen.
Merci.
Réponse officielle :
Bonjour,
Le principe général de la loi française en matière de démantèlement d’infrastructures industrielles est celui du « pollueur-payeur », prévu par le 3° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, qui tire son origine dans l’article 4 de la charte de l’environnement de 2004, qui a la même valeur que la Constitution de la République Française. Le coût du démantèlement doit donc être supporté par l’exploitant des installations en application de ce principe.
Le démantèlement d’une centrale nucléaire et d’un parc éolien en mer sont très distincts. Ce sont des ouvrages dont les processus de démantèlement sont peu comparables, dû notamment à des différences de technologies, d’emplacement, d’emprise géographique, de milieu (maritime, terrestre) mais surtout de substances dangereuses en présence (radioactivité présente dans les installations nucléaires) etc.
I. Coût du démantèlement de Brennilis
Le démantèlement d’une centrale nucléaire et celui d’un parc éolien sont difficilement comparables. En effet, la réglementation applicable diverge de par la nature de ces installations, de même que les contraintes techniques associées aux opérations.
De plus, la centrale nucléaire de Brennilis n’est pas représentative du parc nucléaire en exploitation. En effet, le réacteur de Brennilis est un réacteur à eau lourde alors que le parc de centrales nucléaires d’EDF en exploitation est composé de réacteurs à eau pressurisé.
Des éléments d’information sont néanmoins fournis ci-après afin d’appréhender les enjeux du démantèlement des centrales nucléaires.
EDF en tant qu’exploitant nucléaire doit évaluer de manière prudente les charges de démantèlement de ses installations nucléaires et les charges de gestion de ses combustibles usés et déchets radioactifs (article L. 594-1 du code de l’environnement). EDF doit également constituer les provisions correspondant à ces charges et affecte les actifs nécessaires pour les couvrir, conformément à l’article L. 594-2. Le respect de ces obligations est contrôlé par le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de l’économie et des finances. Ainsi, au 31 décembre 2018, les provisions d’EDF, en valeur actualisée, pour le démantèlement des centrales nucléaires en exploitation s’élevaient à environ 12,5 milliards d’euros et pour le démantèlement des centrales nucléaires arrêtées (y compris celle de Brennilis) à environ 3,5 milliards d’euros. Les provisions d’EDF pour la gestion à long terme des déchets radioactifs s’élevaient à environ 9,8 milliards d’euros en valeur actualisée. Au total, ces provisions s’élevaient à 28,2 milliards d’euros en valeur actualisée. Comme indiqué ci-dessus, ces provisions sont couvertes par des actifs dédiés à leur financement.
La responsabilité financière du démantèlement incombant à EDF et les données de coûts étant sensibles, il appartient à EDF de fournir des éléments relatifs à l’estimation des coûts de démantèlement associés spécifiquement à une installation nucléaire donnée telle que celle de Brennilis. Nous ne sommes donc pas en mesure de fournir cette infirmation spécifique.
Toutefois, à titre indicatif, le coût du démantèlement d’un réacteur à eau pressurisée (hors gestion à long terme des déchets radioactifs) est estimé par EDF entre 350 et 400 millions d’euros en valeur brute. L’autorité administrative a mené un audit externe sur le coût du démantèlement du parc de réacteurs nucléaires d’EDF en cours d’exploitation, dont les résultats ont été publiés en 2015, qui conforte globalement l’estimation faite par EDF du coût du démantèlement de son parc nucléaire.
Certaines informations complémentaires permettant d’appréhender la part du coût de production d’électricité d’origine nucléaire imputable au démantèlement des installations et à la gestion des déchets radioactifs et des combustibles usés ont également été rendues publiques par la Cour des comptes en 2014, Selon la Cour des comptes, le coût complet de production d'électricité d'origine nucléaire s’élèverait à environ 61,6 €2012/MWh. Dans le cadre de cette estimation, le coût moyen de démantèlement des installations représenterait environ 1,0 €2012/MWh et le coût moyen de gestion des déchets radioactifs et des combustibles usés représenterait environ 3,6 €2012/MWh.
II. Coût de démantèlement d’un parc éolien en mer
Le démantèlement d’un parc éolien en mer porte sur deux ouvrages : le parc éolien en tant que tel qui sera à la charge du porteur de projet et le raccordement qui sera à la charge de Rte.
- Le démantèlement d’un parc éolien en mer
L’article R. 2124-8 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques (appelé le CG3P), prévoit que, dans les cas où une concession est signée avec une personne privée (le lauréat du dialogue concurrentiel), alors la concession peut prévoir, en vue de la remise en état du site en fin d’exploitation, la constitution de garanties financières ou une consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations, dont le montant est établi compte tenu du coût estimé des opérations de remise en état, de restauration ou de réhabilitation du site.
Dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence pour un projet éolien en mer, les obligations de démantèlement et de constitution de garanties financières pour en payer les coûts sont inscrites dans le cahier des charges que le lauréat a donc l’obligation de respecter. Elles sont retranscrites dans la convention d’utilisation du domaine public maritime (CUDPM) si le projet est situé en mer territoriale, ou dans l’autorisation unique si le projet est situé en ZEE. Elles représentent une garantie forte qu’une fois l’exploitation du parc arrivée à son terme, le site ne sera pas laissé à l’état de friche industrielle, d’une part car le producteur a l’obligation de procéder au démantèlement, et d’autre part car les sommes nécessaires seront disponibles pour financer ces opérations. Ainsi même si le producteur ne les réalisait pas, l’État pourrait utiliser les sommes garanties pour faire faire les travaux de démantèlement.
Ainsi, le cahier des charges de l’appel d’offres n°1 précisait (section 6.1.) : « Avant la mise en service de chaque tranche de l’installation, le candidat retenu doit transmettre au Préfet ayant délivré l’autorisation d’occupation du domaine public maritime un document attestant la constitution de garanties financières renouvelables pour la tranche considérée. La nature et le montant de ces garanties financières doivent permettre de couvrir les coûts du démantèlement et de la remise en état du site après exploitation, à hauteur du montant des travaux nécessaires que le candidat doit prévoir dans son offre. Ces travaux doivent permettre le retour du site à un état comparable à l’état initial, et compatible avec la pratique des activités préexistantes. »
Dès le début du contrat de complément de rémunération, le producteur devra avoir constitué des garanties financières dédiées au futur démantèlement du parc éolien. Ces garanties financières doivent permettre de couvrir l’intégralité des coûts des opérations de démantèlement, mais également les pénalités applicables en cas de retard dans le calendrier de démantèlement. Ces pénalités, inscrites dans le cahier des charges, vont de 10 000 à 40 000 euros par jour dans le cas du parc éolien de Dunkerque qui a été attribué en juin 2019. Afin de s’assurer de l’adéquation entre le montant des garanties et le prix d’un démantèlement, le cahier des charges précisera un montant par éolienne. Dans le cas de Dunkerque, la garantie devra s’élever à 900 000€ par éolienne au terme du contrat de complément de rémunération, et à plus d’un million d’euros par éolienne au terme de la CUDPM. Ce montant peut être révisé à la hausse si les coûts estimés du démantèlement sont supérieurs, le producteur devra alors constituer des garanties financières additionnelles.
Dans le cadre des 3 premiers appels d’offres éoliens en mer posé, les dispositions des cahiers des charges définissent des garanties financières obligatoires (montants financiers bloqués par le porteur du projet en vue des coûts de démantèlement). Le montant de ces garanties financières est de 50k€ par MW, ce qui représente environ 25 M€ par parc, ou pour le dernier appel d’offres d’un montant minimal en fin de contrat d’achat de 900 k€ par éolienne. Dès lors, les garanties financières devant couvrir les coûts du démantèlement, le coût du démantèlement d’un parc éolien en mer d’1 GW (compte tenu des évolutions de puissance des machines qui devraient être installées de 10 à 15 MW) correspondrait à un montant estimatif entre 50 et 90 millions d’€.
Si le producteur manque à ses obligations de démantèlement, ou si la société qui constitue le producteur est dissoute ou liquidée avant la fin du démantèlement, l’Etat pourra procéder d’office aux opérations de démantèlement. Il fera appel aux garanties financières du producteur pour ce faire et pourra simultanément appliquer les pénalités applicables en cas de retard dans le calendrier de démantèlement.
L’ampleur des garanties financières exigées et le montant des pénalités applicables au producteur en cas de manquement à ses obligations sont à l’image de l’importance accordée par l’Etat à la gestion de la fin de vie du projet. Le coût du démantèlement est donc entièrement supporté par le porteur de projet et n’est donc pas à la charge des citoyens, même si le porteur de projet fait faillite (cas dans lequel les garanties seront utilisées par l’État pour démanteler le site).
- Le démantèlement du raccordement
-les concessions d’utilisation du domaine public maritime (CUDPM) conclues dans le cadre des précédents appel d’offres et prises en application des dispositions du code de l’environnement et du code général de la propriété des personnes publiques, prévoient :
- en principe, le démantèlement de la liaison sous-marine ;
- la réalisation d’une étude préalable aux frais de Rte portant sur les impacts des opérations de démantèlement des liaisons sous-marines et de remise en état de la dépendance du domaine public maritime et sur l’optimisation des conditions de réalisation des opérations de démantèlement et tenant compte des enjeux liés à l’environnement, aux activités et à la sécurité maritime ;
- la possibilité pour le préfet de déroger au principe de démantèlement si l’étude démontre que c’est la solution de moindre impact au regard des enjeux liés à l’environnement, aux activités et à la sécurité maritime. Il peut en effet être plus impactant pour l’environnement ou les activités existantes d’enlever des câbles sous-marins qui sont enterrés sous les fonds marins (gêne de la pêche et du trafic maritime pendant les travaux, mobilisation de sédiments et bruits sous-marins liés aux travaux, possible destruction des fonds marins et des espèces qui s’y trouveraient...) que de les laisser.
Le démantèlement, s’il est in fine acté par les autorités publiques suite à l’étude préalable spécifiquement réalisée, sera pris en charge par Rte. Dans ce cas, il sera financé par le tarif d’utilisation du réseau public de transport d’électricité (TURPE). Le coût du démantèlement étant très dépendant du contexte environnemental (géotechnique, bathymétrie, courants…), il est très difficile (et peu éoloquent) d’estimer un coût moyen de démantèlement du raccordement.
Une opération de démantèlement du raccordement est comparable techniquement et économiquement à une opération de 1ère installation.
Dans la mesure où Rte est une entreprise sur laquelle l’Etat peut exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de son statut, il n’y a pas de garantie versée par Rte au profit de l’Etat. Toutefois, si Rte venait à ne plus être une société à capital majoritairement public, Rte serait contraint de constituer également des garanties financières pour couvrir les coûts du démantèlement.
En conclusion, le processus de démantèlement de la centrale de nucléaire de Brennilis est un processus plus long et plus onéreux (d’autant que la centrale de Brennilis n’est pas représentative du parc nucléaire français) que celui d’un parc éolien en mer en Manche et son raccordement. Néanmoins, chacun des processus de démantèlement sont financés par le porteur de projet lui-même qui a l’obligation de constituer des garanties financières couvrant le coût total du démantèlement de sa centrale de production d’électricité.
Pour plus d’informations, vous pouvez vous référer :
- à la fiche #10 “Le démantèlement d’un parc éolien en mer”.
- au dossier de presse de Brennilis (2017) : https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/producteur-industriel/carte-des-implantations/centrale-brennilis/presentation/dossier_de_presse_centrale_de_brennilis_2017.pdf
- le rapport de la Cour des comptes sur le cout de production de l’électricité nucléaire (2014) : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20140527_rapport_cout_production_electricite_nucleaire.pdf
Le Maître d'ouvrage
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