Débat public - En mer, en Normandie : de nouvelles éoliennes ?
Débat public sur les futurs appels d'offres d'éoliennes en mer au large de la Normandie
Q12 • En quoi le fait d'installer des éoliennes va-t-il décarboner la production française et sécuriser l'approvisionnement des Français ?
Réponse publiée
Dixit le maitre d'ouvrage de ce débat :
"Si la France se dote de parcs éoliens en mer, c’est dans le but de répondre à deux objectifs :
- Lutter contre le changement climatique au travers de la transition énergétique en substituant la consommation d’énergies fossiles par celle des énergies renouvelables ;
- Diversifier le mix énergétique français afin de renforcer la sécurité d'approvisionnement."
La production énergétique française d'origine nucléaire permet déjà à la France de disposer de filières décarbonées, ayant le double avantage d'un cout réduit, d'un savoir faire local et d'une disponibilité quasiment constante. En quoi le fait d'installer des éoliennes marines dont le facteur de charge avoisine péniblement les 0.34, dont la durée de vie est de l'ordre d'une trentaine d'années et dont les couts écologiques en terres rares et en aciers sont établis, va t'il être de nature à décarboner la production française ?
Le temps de production à puissance nominale d'une éolienne marine atteint péniblement les 34%. Ce qui signifie, le reste du temps, que la production est irrégulière et ne correspond absolument pas à la puissance installée. L'energie produite par ces installations est irrégulière en tension et en fréquence et impose au gestionnaire du réseau d'avoir à renforcer ses infrastructures pour éviter la dégradation de sa chaine de production et les black-out qui en découlent. En quoi la diversification des modes de production est elle de nature à sécuriser l'approvisionnement des français ? C'est bien le renforcement des réseaux et la mise à disposition d'un mode de production constant (le facteur de charge du nucléaire est de l'ordre de 0.75.... pour mémoire) qui le permet.
Réponse officielle :
Réponse de la Direction générale de l'énergie et du Climat (DGEC, Maitre d'ouvrage)
I. L’impact carbone de l’éolien en mer
A. Le bilan carbone de l’éolien en mer
Le bilan carbone d’un parc éolien en mer permet de calculer le facteur d’émission de l’électricité produite par l’éolienne et le temps de retour du parc.
Le facteur d’émissions indique la quantité de CO2 émise par un kWh d’électricité produite par le parc (en gramme d’équivalent CO2 par kWh produit). Cet indicateur permet des comparaisons entre différents dispositifs de production d’électricité. Le temps de retour est le nombre d’années au-delà duquel le parc aura totalement compensé les émissions de gaz à effet de serre dont il est ou sera l’origine.
Selon le nombre d’éoliennes, leur puissance unitaire et le temps d’exploitation, le bilan carbone des parcs éoliens en mer français varie comme suit :
● De 554 000 à 754 000 tonnes équivalent CO2 émises
● Un facteur d’émission de l’éolien en mer entre 14 et 18 g eq CO2 / kWh produit -- À titre de comparaison, il est 12,7 g eq CO2 / kWh pour l’éolien terrestre et 56 g eq CO2 / kWh pour le photovoltaïque[1] .
● Un temps de retour de l’ordre de 4,5 à 6 ans par rapport au mix électrique moyen.
Ainsi, même si un parc éolien en mer a une durée plutôt courte (25 à 30 ans), il compense largement les émissions de gaz à effet de serre dont il est à l’origine.
B. L’utilisation de terres rares
Les terres rares constituent un ensemble d’éléments métalliques du tableau périodique des éléments, aux propriétés chimiques très voisines. L’Ademe a publié en Novembre 2019 une fiche technique faisant le point sur l’utilisation des terres rares dans le secteur des énergies renouvelables.
La consommation de terres rares dans le secteur de la production d’énergies renouvelables réside essentiellement dans l’utilisation d’aimants permanents pour l’éolien en mer. Ceci leur permet de réduire les coûts des opérations de maintenance, mais également de réduire la masse et l’encombrement des nacelles, permettant ainsi de diminuer le dimensionnement global du mât et des fondations.
L’Ademe a estimé la masse totale d’aimants permanents et de terres rares nécessaire pour les 7 premiers parcs éoliens en mer posés et les 4 fermes pilotes d’éoliennes flottantes. Le ratio est d’environ 637 kg d’aimants permanents par MW installé, ce qui correspond à environ 2300 tonnes d’aimants permanents en tout, dont 738 tonnes de néodyme (32%) et 138 tonnes de dysprosium (6%).
Comme toute extraction minière et de transformation métallurgique, l’extraction des terres rares présente des impacts environnementaux, qui diffèrent selon le type de gisement, dont la modification du paysage, des sols et du régime hydrographique local. De plus, le recyclage des terres rares se heurte à différentes contraintes qui ne permettent pas d’envisager un déploiement économique des infrastructures de recyclage sur le court terme.
L’utilisation des terres rares, notamment dans le cadre du développement de l’éolien en mer, est donc un point d’attention pour l’Etat, qui œuvre pour réduire sa dépendance, favoriser l’éco-conception, et permettre la création de filière de recyclage viable. En effet, prévu par l’article 69 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), le Plan Ressources pour la France propose des pistes d'actions pour réduire la dépendance de l'économie française vis-à-vis de ces ressources et pour maîtriser les impacts environnementaux associés à leur production et leur utilisation. Ces pistes d'actions ciblent à la fois la demande (il s'agit de limiter son augmentation qui demeure néanmoins inéluctable à court et moyen terme) et l'offre pour mieux en maîtriser les impacts environnementaux et sociaux. L'extraction et la production de métaux primaires resteront indispensables à court et à moyen terme pour couvrir les besoins français. C'est pour cela que des travaux ont été engagés pour réduire les impacts environnementaux et sociaux associés à ces activités, qu'elles soient localisées sur le territoire national ou à l'étranger.
Enfin, des solutions de substitution aux aimants permanents pour l’éolien en mer pourraient être amenées à s’y substituer en partie dans le futur, notamment des génératrices asynchrones ou synchrones sans aimant permanent.
Pour en connaître davantage sur l’utilisation des terres rares dans l’industrie éolienne en mer, ainsi que la gestion de la fin de vie des éolienne, sachez qu’une étude de l’Ademe relative à l’analyse du cycle de vie de la production d’électricité d’origine éolienne en France a été publiée en 2015 (voir en ligne). Pour la filière éolienne maritime, l’étude se fonde en particulier sur les études d’impact des futurs parcs de Courseulles-sur-Mer, Dieppe-Le Tréport, Fécamp, Yeu-Noirmoutier et Saint Nazaire. Elle y montre que l’extraction et le traitement des matières premières, les processus de fabrication, le transport et la distribution, l’utilisation et la réutilisation du produit fini, le recyclage et la gestion des déchets en fin de vie sont pris en compte dans l’analyse du cycle de vie et donc dans le bilan caborne.
II. Le développement des énergies renouvelables, et donc des éoliennes en mer, permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation de combustibles fossiles
A. A l’échelle française : avec la fermeture des centrales à charbon d’ici 2022
Le développement des énergies renouvelables dans les prochaines années, dont l’éolien en mer, est une des conditions nécessaires pour permettre la fermeture des cinq dernières centrales à charbon françaises d’ici 2022, tout en garantissant un haut niveau de sécurité d’approvisionnement (Bilan prévisionnel RTE 2018). Cet objectif de fermeture des centrales à charbon d’ici 2022 est cohérent avec les engagements climatiques de la France. En effet, ces installations émettent bien plus de gaz à effet de serre que les autres moyens de production d’électricité présents sur le territoire français, notamment les énergies renouvelables éoliennes et solaires; comme le montrent les données présentées dans le tableau ci-dessous.
B. A l’échelle européenne : en se substituant aux combustibles fossiles
Au niveau européen, le développement des énergies renouvelables, dont l’énergie éolienne, participe à la réduction des émissions de CO2 du secteur énergétique et à la réduction de la consommation de combustibles fossiles.
En effet, d’après les données recueillies par Wind Europe, entre 2011 et 2016, l’énergie éolienne a produit 1 451 TWh d’électricité en Europe, permettant d’éviter au moins 819 millions de tonnes de CO2 (Mt CO2). A titre de comparaison, une telle baisse des émissions de CO2 aurait été obtenue en supprimant de la circulation environ 22 millions de voitures. Rien qu’en 2016, l’énergie éolienne a généré près de 300 TWh d’électricité, ce qui aurait permis d’éviter l’émission d’au moins 166 Mt CO2. Cela s’explique par le fait que lorsqu’elles produisent de l’électricité, les éoliennes se substituent à des installations de production utilisant des combustibles fossiles (centrales à gaz et à charbon) en Europe dont la part demeure importante (46% de la puissance installée européenne en 2015). En effet, l’électricité produite par les éoliennes dispose d’un coût de production marginal nul et est donc plus compétitive que l’électricité issue des centrales de production utilisant des combustibles d’origine fossile. Le développement de l’éolien a également permis de réduire les émissions de dioxyde de soufre (SO2), d’oxydes d’azote (NOx) et de particules fines (produits par les centrales à combustibles fossiles) dans le secteur de l’électricité.
Le graphique ci-dessous, issu de l’étude de Wind Europe (p.53), représente les émissions de CO2 évitées grâce à l’énergie éolienne en Europe sur la période 2011-2016:
En France, des analyses sur les émissions de gaz à effet de serre évitées ont été réalisées par le Ministère de la transition écologique et solidaire sur les éoliennes terrestres. Ces dernières indiquent que lorsqu’une éolienne fonctionne, son électricité se substitue pour environ 80% à de l’électricité produite par des centrales thermiques utilisant des combustibles fossiles situées en France et à l’étranger. Ainsi chaque kWh d’éolien terrestre permet d’éviter environ 430 g de CO2 en France et en Europe.
Enfin, le développement des EnR conduit également à la réduction de la dépendance de l’Europe aux importations de combustibles fossiles (gaz naturel, pétrole, charbon). Ainsi, entre 2011 et 2016, l’énergie éolienne a permis d’éviter l’importation de 171 951 ktep (mille tonnes d’équivalent pétrole) de combustibles fossiles, dont 34 578 ktep pour l’année 2016. Cette réduction des importations de combustibles fossiles représente environ 32 milliards d’euros d’économie au niveau européen de 2011 à 2016.
Le graphique ci-dessous, extrait de l’étude de Wind Europe (p. 54), présente les importations de combustibles fossiles évitées grâce à la production éolienne entre 2011 et 2016 :
III. L’intermittence des énergies renouvelables, dont les éoliennes en mer, n’impose pas de renforcement des infrastructures de transport de l’électricité
Les éoliennes sont qualifiées de « sources d’énergie intermittentes » car elles dépendent de flux naturels (le vent) qui ne sont pas disponibles en permanence et dont la disponibilité varie sans possibilité de contrôle (source d’énergie non pilotable).
Le rapport entre le nombre d’heures de fonctionnement en équivalent pleine puissance et le nombre d’heures de fonctionnement théorique dans l’année (8 760 h) est appelé facteur de charge. Le facteur de charge est variable d’une année à l’autre, puisqu’il dépend des régimes de vent. Selon WindEurope, les facteurs de charge annuels des parcs éoliens en mer en Europe en 2017 étaient compris entre 29% et 48%, selon la méthodologie utilisée[2]. En 2018, le facteur de charge moyen de l’ensemble des parcs en mer du Nord en fonctionnement était évalué à 37%[3]. Les perspectives de facteurs de charges des parcs éoliens en mer en développement sont cependant nettement supérieures, de l’ordre de 45% compte tenu des progrès technologiques. Siemens Gamesa, exploitant le parc éolien en mer de Hywind en Ecosse, déclare même un facteur de charge record de 58% pour l’année 2019[4].
Toutefois, la variabilité des sources de production d’énergie renouvelable non pilotables, dont les éoliennes en mer, est prévisible avec suffisamment de précision pour ne pas perturber la gestion du réseau électrique. Dès lors, l'énergie produite par ces installations -- même si elle peut être irrégulière en tension et en fréquence -- n’impose pas au gestionnaire du réseau d'avoir à renforcer ses infrastructures pour éviter la dégradation de sa chaîne de production ou des blacks-out.
Rte a notamment réalisé un travail prospectif ayant pour objectif d’identifier les risques de déséquilibre entre les besoins de la France métropolitaine continentale et l'offre d'électricité disponible pour les satisfaire. Celui réalisé en 2019 (Bilan prévisionnel offre et demande d’électricité, Édition 2019) a étudié dans son scénario de base des trajectoires soutenues dans lesquelles la production issue des énergies renouvelables augmente significativement pour atteindre près de 30 % de la production française à l’horizon 2025. Ceci repose sur une croissance soutenue des filières photovoltaïques, éoliennes terrestres et éolienne en mer. Sur l’horizon de temps considéré, cette croissance n’est pas tributaire du développement de moyens de stockage, les moyens flexibles (hydraulique, thermique et nucléaire) en France et en Europe étant suffisants pour compenser leur variabilité.
IV. La diversification du mix énergétique participe au renforcement de la sécurité d’approvisionnement française
La production électrique française est effectivement d’ores et déjà fortement décarbonée, en grande partie grâce à la part importante du nucléaire dans le mix électrique. Le nucléaire représente en effet entre 70 et 75% de la production totale d’électricité en France, ce qui permet à la France de présenter un mix électrique bien moins émetteur de gaz à effet de serre que certains de ses voisins européens, au sein desquels la production des centrales à gaz et au charbon est encore significative. En effet, la production d’électricité au charbon représente 19 % de la production européenne, 18 % des émissions de CO2 du secteur énergétique[5].
Cependant, si l’énergie nucléaire constitue d’un point de vue des émissions de gaz à effet de serre un atout, sa forte proportion dans le mix énergétique français est également susceptible de dégrader la robustesse du système électrique. L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a ainsi rappelé à plusieurs reprises qu’une des vocations de la diversification du mix électrique était aussi de renforcer la sécurité d'approvisionnement en électricité. Il est en effet important de disposer de marges suffisantes dans le système électrique pour faire face à l’éventualité de suspendre simultanément le fonctionnement de plusieurs réacteurs qui présenteraient un défaut générique grave. Un exemple de tel défaut générique est l’anomalie de concentration en carbone de l’acier qui a affecté les générateurs de vapeur de douze réacteurs à l'hiver 2016, qui furent donc dans l’incapacité de produire de l’électricité au cours de l’hiver.
En diversifiant le mix électrique, le développement des énergies renouvelables contribue ainsi au renforcement des marges d'approvisionnement susceptibles de pouvoir palier à de tels événements. La sécurité d’approvisionnement ne peut en effet être garantie uniquement par un réseau renforcé et une unique source d’énergie, même si celle-ci est “constante” et pilotable.
Pour plus d’informations, nous vous invitons à vous référer à la documentation produite par le maître d’ouvrage:
- la fiche #2 “Pourquoi développer l’éolien en mer en France” (voir en ligne)
- la fiche #4 “Quel intérêt pour les Normands ?” (voir en ligne)
- la fiche #10 “Le démantèlement d’un parc éolien en mer” (voir en ligne)
- la fiche #14 “Quel est le bilan carbone d’un parc éolien en mer ?” (voir en ligne)
Nous vous invitons également à vous référer aux documents suivants:
- WindEurope, Local impact, global leadership. The impact of wind energy on jobs and on the EU economy, Novembre 2017 (voir en ligne);
- WindEurope, Wind energy in Europe in 2018. Trends and statistics, Février 2019 (voir en ligne) ;
- WindEurope, Offshore Wind in Europe. Key trends and statistics 2017, Février 2018 (voir en ligne) ;
- La page internet du ministère de la transition écologique et solidaire sur la stratégie nationale bas carbone (voir en ligne);
- Fiche technique de l’Ademe, « Terres rares, énergies renouvelables et stockage d’énergie », Novembre 2019 (voir en ligne) ;
- Étude de l’Ademe relative à l’analyse du cycle de vie de la production d’électricité d’origine éolienne en France a été publiée en 2015 (voir en ligne).
- Étude Rte :
- Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande de l’électricité en France, 2018 (voir en ligne)
- Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande de l’électricité en France, 2019 (voir en ligne)
[1]http://www.bilans-ges.ademe.fr/documentation/UPLOAD_DOC_FR/index.htm?renouvelable.htm
[2] Offshore Wind in Europe : key trends and statistics 2017, p. 16
[3] Offshore Wind in Europe : key trends and statistics 2018 , p. 17-18
[4] Déclaration faite par le représentant de Siemens Gamesa lors de la réunion publique du 18.01.2020 au Havre, organisée par la Commission Particulière du Débat Public.
[5] Les défis de la sortie du charbon en Europe Les Annales des Mines, Responsabilité & Environnement, n° 95, juillet 2019
Signaler un problème
Ce contenu est-il inapproprié ?
Partager: