Débat public - En mer, en Normandie : de nouvelles éoliennes ?
Débat public sur les futurs appels d'offres d'éoliennes en mer au large de la Normandie
Q15 • Comment concilier installations éoliennes et prévention de santé publique et environnementale ? Le suivi prévu ne serait-il pas seulement curatif ?
Réponse publiée
Les promoteurs mettent 8 millions sur la table pour le suivi au cours de vie des éoliennes.
Lorsque l'on suppose l'action des infrasons, des champs électromagnétiques, etc, ainsi que la présence d'anodes aluminium ou autres qui vont se dégrader, et polluer le milieu halieutique, ne serait il pas nécessaire de connaitre avant les conséquences ? Le suivi est curatif, les études préalables sont préventives.
Sur une durée de 20 ans estimatives par exemple , combien de tonnes d'anodes seront utilisées et dispersées dans le milieux halieutique? un danger sanitaire à retardement ?
Sur les infrasons et les champs magnétiques, va ton faire des études officielles préventives? Attend-on une régression écologique sur 20 ans pour faire du curatif ?
Une pose dans l'attente de résultats sur des phénomènes terrestres constatés ne serait-elle pas envisageable? Il s'agit de santé publique.
Réponse officielle :
Réponse de la Direction générale de l'énergie et du Climat (DGEC, Maitre d'ouvrage)
I. Entre retours d’expériences étrangers, études en cours, et suivi scientifique : une action à la fois préventive et curative de protection de l’environnement et de la santé publique
La démarche initiée par l’Etat, maître d’ouvrage, est en premier lieu celle de la prévention. En témoigne la séquence ERC qui intègre, conformément au Code de l’environnement, les enjeux environnementaux et des usages de la mer le plus en amont possible lors de la conception de projet éolien en mer. Ainsi, les impacts négatifs sont en priorité évités, ensuite réduits, et en dernier lieu compensés. Dès lors, la prévention est la solution prioritaire.
Aujourd’hui, l’éolien en mer est une technologie mature et éprouvée. Le premier parc éolien en mer a été construit en 1991 à Vindeby (Danemark) et le premier démantèlement date de 2016 (projet Lely, Pays Bas). Dès lors, si aucun retour d’expérience n’est aujourd’hui disponible pour des parcs éoliens en mer français, de nombreux existent pour les parcs éoliens en mer étrangers. L’Europe bénéficie en effet d’une capacité installée cumulée de 22,072 GW (soit 110 parcs éoliens en mer) à travers 12 pays[1]. Les retours d’expériences sont donc nombreux et concernent notamment les impacts environnementaux, et de santé publique. Nombre d’entre eux ont été recensés sur le site de la CPDP en charge de ce débat, ainsi que sur la bibliographie du maître d’ouvrage. Ces connaissances permettent d’adapter au mieux les caractéristiques d’implantation, de construction, et de maintenance du parc pour éviter et réduire son impact sur l’environnement. Elles permettent à la France de s’inspirer des meilleures pratiques étrangères.
Toutefois, la Mer du Nord (où la majorité des parcs éoliens sont implantés) a des caractéristiques différentes de la Manche. Aussi, le développement de parc éolien en mer et le choix de son implantation ne se fait pas sans la connaissance, en amont, des caractéristiques du site. Ainsi, la macro-zone soumise au débat public a fait l’objet d’une étude bibliographique environnementale visant à identifier ses principaux enjeux environnementaux maritimes et terrestres. Cette étude a été pilotée avec l’Office Français pour la Biodiversité (OFB) et l’Ifremer. La caractérisation du site permet de déterminer une ou plusieurs localisations de moindre impact pour un parc éolien en mer, en évitant les zones de grande sensibilité. Il s’agit d’une première phase d’étude. Une étude plus fine de l’environnement, appelée état initial, sera réalisée par l’État et Rte à l’issue du débat public, sur la zone de construction du futur parc éolien en mer d’1GW qui aura été retenue. Ainsi, une analyse croisée des enjeux physiques et naturels permettra d’éviter les zones les plus sensibles et d’adapter autant que possible les technologies.
Ensuite, tout au long de la durée de vie du parc éolien en mer, des mesures de suivi seront mises en place. Un comité de suivi et un conseil scientifique veilleront à la bonne application des mesures ERC (Eviter, Réduire, Compenser). En application d’une mesure décidée par le Comité Interministériel de la mer de 2019, ces comités de suivi et conseil scientifiques se réuniront à l’échelle de la façade afin de traiter, entre autres, des effets cumulés des parcs éoliens en mer sur la zone. Au sujets des effets cumulés, le Ministère de la transition écologique et solidaire pilote un groupe de travail sur le développement d’une méthode d’évaluation des impacts cumulés entre parcs éoliens, et participe également à des travaux équivalents au niveau de l’Union européenne.
II. Les conséquences des ondes électromagnétiques et sonores
1. Sur les mammifères marins et les poissons
De manière générale les impacts potentiels liés aux émissions de champs électriques et magnétiques font encore l’objet d’incertitudes mais les connaissances scientifiques progressent. Une grande partie des espèces sensibles au champ magnétique sont des espèces pélagiques, c’est-à-dire qu’elles vivent dans le haut de la colonne d’eau (la plus proche de la surface). Les mammifères marins font partie de ces espèces. Ces espèces utiliseraient le champ magnétique terrestre pour s’orienter durant leurs migrations. Or, le champ magnétique généré par les câbles est bien inférieur au champ magnétique terrestre et décroît rapidement avec la distance. Ces espèces ne seront donc pas exposées à des niveaux de champ magnétique significatifs. Ainsi, les mammifères marins ne présentent pas de sensibilité particulière aux champs magnétiques générés lors de l’exploitation d’un parc éolien et son raccordement.
En ce qui concerne l’impact des ondes sonores, les mammifères marins y sont sensibles dans la mesure où certains produisent des sons pour s’orienter, détecter des proies ou des prédateurs, et interagir avec leurs congénères. L’effet des ondes sonores diminue à mesure que la distance à la source de bruit augmente mais s’ils sont exposés à un son suffisamment intense, cela peut mener à une augmentation de leur seuil d’audition, c’est-à-dire à une baisse de leur sensibilité aux sons de manière générale. Cette baisse peut être temporaire ou permanente, en fonction du temps d’exposition, de la fréquence et de l’amplitude des sons imposés.
Les émissions sonores sont différentes durant la phase de construction et d’exploitation. Elles sont importantes et limitées dans le temps durant la phase de construction. Elles sont plus faibles mais en continue durant la phase d’exploitation.
Les sons produits pendant la phase de construction sont constitués de signaux courts, forts et réguliers, pendant l’installation des fondations principalement. Dès lors, des mesures ERC (Eviter, Réduire, Compenser) sont obligatoirement mises en place pour éviter, réduire et en dernier recours compenser les effets du parc éolien en mer sur la biodiversité marine. La principale mesure d’évitement est le choix d’une zone peu fréquentée par les individus sensibles. Il sera nécessaire dans un second temps une fois le choix de la zone réalisé d’étudier plus finement la fréquentation du site par les mammifères marins avec des observations pendant un à deux ans sur la zone. Les cétacés sont généralement présents une partie de l’année seulement. Le calendrier des travaux sera donc établi en prenant en compte les périodes de présence et d’absence afin de les programmer au maximum lorsque les cétacés sont absents. Ensuite, des mesures de réduction seront mises en oeuvre comme l’effarouchement à travers une augmentation progressive du niveau sonore des travaux (les animaux s’éloignent lorsqu’ils entendent les premiers bruits avant qu’ils ne deviennent plus forts) ; l’atténuation du bruit, par exemple, avec la mise en place d’un rideau de bulle autour de la fondation en cours d’installation.
En phase d’exploitation, le bruit généré par le fonctionnement du parc est moindre qu’en phase de construction, il provient du parc en lui-même et des bateaux utilisés pour la maintenance. D’après les études d’impact réalisées pour les projets de parc éolien en mer précédemment autorisés, du fait de la densité du trafic maritime dans la zone et des activités de pêche, les impacts acoustiques pressentis en phase d’exploitation seront proches de ceux préexistants du fait du trafic maritime.
2. Sur les hommes
La position de la communauté scientifique est claire : les champs électromagnétiques générés par les lignes à haute tension n'ont pas d'impact prouvé sur la santé humaine. En effet, aucune des études menées depuis une trentaine d'années n'a permis d'établir scientifiquement un lien de causalité entre la proximité d'installations électriques et quelque pathologie que ce soit. Et ce, même en prenant en compte des intensités de champs très supérieures à celles auxquelles sont soumis les habitants les plus proches des lignes.
Concernant les champs magnétiques, des effets mesurables ont été identifiés, mais uniquement dans des conditions extrêmes d'exposition créées en laboratoire, et très supérieures aux niveaux d'exposition du public. Les résultats de ces travaux scientifiques ont été repris par les organismes internationaux indépendants comme l'Organisation Mondiale de la Santé, ou le Centre International de Recherche sur le Cancer. Au niveau français, le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France, l'ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) et l'OPECST (office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques) se sont également exprimés. Tous confirment l'absence de risque avéré en l'état actuel des connaissances. Tous recommandent en parallèle d'appliquer des seuils d'exposition maximale, qui garantissent l'absence d'effet avéré. Ces seuils sont souvent largement supérieurs aux moyennes généralement constatées sur le terrain. Ces recommandations sont régulièrement révisées en tenant compte de l'état des connaissances scientifiques : il est important de noter qu'aucune de ces mises à jour n'a remis en cause les seuils d'exposition retenus.
Concernant les caractéristiques techniques du raccordement d’un parc éolien en mer, le câble sera sous-marin et souterrain sur l'ensemble du parcours. La liaison de technologie courante sur le territoire ne générera que des champs magnétiques limités à une zone à proximité directe du câble . Le champ magnétique généré par le câble décroît très vite en quelques mètres (décroissance au carré de la distance).
(RTE met à disposition du public une large information sur ce sujet sur le site internet www.clefdeschamps.info)
Concernant les impacts sonores, ils seront limités à la phase travaux pour les personnes intervenant sur le chantier. Les mesures de protections classiques seront mises en oeuvre. En phase exploitation, les impacts acoustiques pressentis seront proches de ceux préexistants du fait du trafic maritime. Compte tenu de la très faible fréquentation humaine de la zone et de son éloignement de la côte, l’impact est considéré comme négligeable pour les hommes comme pour les animaux.
III. Les conséquences des anodes sacrificielles
Les études d'impacts ont démontré, au regard de la littérature existante et des mesures in-situ de qualité de l'eau, le faible impact des anodes sacrificielles sur la qualité de l'eau.
Les éléments clés de cette démonstration sont :
● Les anodes se trouve dans un milieu ouvert avec d'important débit. Par exemple pour Courseulles le débit est de 30 m3/s. Le milieu présente donc un important potentiel de dilution.
● Le milieu naturel contient de l’aluminium qui est un composé (6%) des argiles que l’on trouve dans les particules en suspension dans l’eau. Par exemple pour la ferme pilote d’éoliennes flottantes au sud de la Bretagne, la concentration initiale en aluminium dans le milieu est égale à 400 μg/L, et de 2 μg/L pour le zinc d’après les analyses effectuées au niveau de la zone d’implantation.
● Une partie des éléments qui se dissolvent dans le milieu demeure attachée à la surface de l’anode sous forme oxydée, une partie uniquement est donc susceptible d’être transférée dans l’environnement, sous forme dissoute ou particulaire.
Par ailleurs, les anodes représentent un poids de 1000 tonnes environ (15 t/anode) dimensionné sur 20 ans. Si on considère une dilution homogène dans le temps, de la totalité de l’anode (or 15% devrait rester), le débit de dilution des anodes est estimé à 15 mg/s d'aluminium. A titre de comparaison, la Seine transporte de l'aluminium, le débit est estimé à 1.1 kg/s.
Pour améliorer notre connaissance des mécanismes électrochimiques des anodes sacrificielles pour mieux définir les formes chimiques des métaux relargués, leurs mécanismes de dispersion dans l’environnement et l’assimilation par la faune et la flore, FEM (France Energies Marines, Institut de recherche dédié aux énergies marines renouvelables) réalise une étude appelée ANODE. Cette étude commencée en mars 2019, devrait finir au premier semestre 2020. Les résultats seront donc versés au débat public pour discussion.
Des alternatives aux anodes sacrificielles sont possibles. L'alternative à l'anode sacrificielle est l'anode à courant imposé. Elle entraîne le relargage d’hypochlorite dans l'environnement. Comme pour les métaux pour les anodes sacrificielles, l’hypochlorite étant formé dans un milieu ouvert, un impact faible est également attendu. Les mécanismes de dilution de l’hypochlorite en milieu ouvert restent peu connus et mériteraient également d'être mieux étudiés à l'image de ce qui est fait par FEM pour les anodes sacrificielles.
Le débat public en cours a vocation à exprimer les attentes et les exigences du public. Il ne porte pas seulement sur la localisation d’un parc éolien d’1GW au large de la Normandie, mais aussi sur les modalités propices à son intégration. La phase 2 du débat public, dédiée à la “construction du scénario” est justement l’occasion pour le public de transmettre à l’état non seulement des propositions de localisation du parc et de son raccordement, mais également des recommandations. Ces recommandations pourraient se matérialiser en une exigence de non-utilisation d’anodes sacrificielles pour le parc éolien de 1GW par le candidat retenu.
Pour plus d’informations sur les impacts environnementaux d’un parc éolien en mer, vous pouvez vous référer à:
● La fiche 7.1.1 “L’environnement”, du Dossier du Maître d’Ouvrage (voir en ligne) ;
● La fiche 8 “En quoi consiste la démarche “Éviter, Réduire, Compenser”? (voir en ligne) ;
● L’étude bibliographique réalisée par l’État et consultable sur le site Géolittoral (voir en ligne)
● La Synthèse des connaissances sur les impacts des câbles électriques sous-marins: Phases de travaux et d'exploitation. Etude du compartiment benthique et des ressources halieutiques (voir en ligne)
● le projet ANODE de France Energies Marines :
○ https://www.france-energies-marines.org/R-D/Projets-en-cours/ANODE ;
● le rapport Wind Europe (2019) : https://windeurope.org/about-wind/statistics/offshore/european-offshore-wind-industry-key-trends-statistics-2019/
● la bibliothèque du débat : https://eolmernormandie.debatpublic.fr/les-ressources/bibliotheque-debat
● le rapport du Conseil général du développement durable (CGDD) Évaluation environnementale : Premiers éléments méthodologiques sur les effets cumulés en mer :
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Th%C3%A9ma%20-%20Premiers%20%C3%A9l%C3%A9ments%20m%C3%A9thodologiques%20sur%20les%20effets%20cumul%C3%A9s%20en%20mer.pdf
● la bibliographie du maitre d’ouvrage : https://eolmernormandie.debatpublic.fr/images/documents/dmo/biblio/DGEC-bibliographie-V2.pdf
[1] https://windeurope.org/about-wind/statistics/offshore/european-offshore-wind-industry-key-trends-statistics-2019/
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