Débat public - En mer, en Normandie : de nouvelles éoliennes ?
Débat public sur les futurs appels d'offres d'éoliennes en mer au large de la Normandie
Q23 • Quels impacts sur la pêche ?
Réponse publiée
Question posée via le questionnaire d'après rencontre par une habitante de Port-en-Bessin :
- Quel serait l'impact sur la petite pêche à court et à long terme ?
- Quelle compensation financière suite à la perte d'activité ?
- Qu'est-ce qui est prévu pour les signaux lumineux des éoliennes la nuit et leur ressemblance avec les balises de sécurité utilisées par les pêcheurs pour rentrer au port ?
- Quel impact sur les ressources halieutiques ?
Pourriez-vous résumer ce qu'il s'est passé pour les pêcheurs ailleurs en Europe ET indiquer les intentions / orientations du gouvernement français sur ces questions ?
Réponse officielle :
Réponse de la Direction générale de l'énergie et du Climat (DGEC, Maitre d'ouvrage).
1. L’impact sur la petite pêche et sur les ressources halieutiques
Afin de limiter les effets négatifs de l’implantation de parcs éoliens en mer sur les activités de pêche, les représentants des comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins sont étroitement associés au choix de la zone d’implantation des parcs éoliens mais également tout au long de la vie du projet,.
La consultation des pêcheurs vise, d’une part, à éviter les secteurs les plus pêchés et/ou représentant une grande richesse halieutique et, d’autre part, à essayer de concilier les activités de pêche et de production d’énergie en optimisant les modalités d’implantation du parc.
Une étude spécifique portant sur les activités de pêche professionnelle a été conduite par l’État. Les comités des pêches régionaux et national ont été associés à ces travaux. Les données exploitées ont été fournies par la Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture, données produites par l’IFREMER. Cette étude a permis de cartographier les enjeux « pêche », elle est disponibledans la bibliographie du maître d’ouvrage (site du débat public ou site géolittoral) et les cartes sont consultables à l’aide de l’outil cartographique mis également à disposition du public. . Ces cartes font ressortir des données qui n’étaient pas publiques auparavant, sur les zones de pêches les plus fréquentées (en heures de pêche) et au plus grand poids économique. Ce sont des facteurs déterminants dans la définition des zones préférentielles d’installation du parc dans la macro-zone. L’étude montre notamment que La zone du débat public (10 000Km² ) a une valeur économique totale sur les trois dernières années de l'ordre de 47,4 M€ et pour rappel chiffre d’affaires de la pêche Normande /an est de 186 M€.
Lors de réunions publiques de Port-en-Bessin et du Tréport, le maître d’ouvrage a présenté des éléments plus précis de ces études. Il observe qu’un parc éolien de 150km² pourrait correspondre, en fonction de la zone ou il serait implanté, à une zone de 61000€/an ou sur une autre zone de l’ordre de 1M€/an de chiffre d’affaires pour la filière pêche. Ces chiffres seraient à prendre dans leurs entièretés si la cohabitation d’activité n’était pas recherchée.
Cependant, le Maître d’ouvrage ne néglige pas que l’implantation de parcs éoliens en mer peut perturber les activités de pêche en impactant potentiellement le milieu et les espèces, tant lors de la phase de construction (nuisances sonores, restriction/interdiction d’accès au site pendant les travaux) qu’en activité (utilisation d’une zone de l’espace maritime pouvant restreindre pêche et navigation).
a. Impact sur l’activité de pêche : Possibilité d’autoriser ou non la pêche dans la zone du parc éolien
La décision concernant la possibilité de maintenir la navigation maritime et plus particulièrement la pêche au sein des parcs éoliens situés dans les eaux territoriales relève du préfet Maritime de la Manche et de la Mer du Nord, auquel les maîtres d’ouvrage devront démontrer que la sécurité des biens et des personnes est compatible avec l’exploitation des parcs éoliens. Le préfet maritime peut réglementer les activités dans et aux abords des champs éoliens situés dans les eaux territoriales, mais ne peut les réglementer que dans un périmètre de 500 m autour des obstacles en Zone Économique Exclusive.
Les porteurs de projets des premiers parcs éoliens autorisés, parcs tous situés en eaux territorriales,ont été contraints de prévoir des parcs avec le minimum d’emprises et prévoyant des couloirs de navigation sans obstacles permettant la pêche. A ce jour, la pêche est envisagée au sein des trois parcs de Normandie, Courseulles, Fécamp et Dieppe-Le Tréport. De même, pour le projet qui sera attribué en 2020, le design du parc sera étudié afin de permettre la circulation et la pratique de la pêche dans des conditions de sécurité optimales, en particulier l’orientation et l’espacement entre les éoliennes, l’aménagement des câbles de raccordement, ainsi que le positionnement du poste électrique en mer. L’anticipation et la préparation à l’action de pêche dans les parcs éoliens sont des enjeux forts. Cette action devrait permettre à l’autorité maritime d’autoriser la pêche , de rassurer la profession que l’engagement pris est certain d’être réalisé et de ne pas mettre à la charge des pêcheurs des contraintes complémentaires à l’exercice de leur activité qu’elle soit administrative, financière ou technique.
Les navires pratiquant la pêche aux arts dormants pourraient ainsi continuer à pratiquer leur activité à l’intérieur du parc. En ce qui concerne les arts traînants, cela nécessite des attentions plus fortes, il convient de prévoir par exemple l’ensouillage des câbles ou leur protection mécanique afin de limiter les croches de matériels de pêche. La taille des éoliennes envisagées pour les futurs parcs éoliens en mer aura pour conséquence un espacement entre chaque machine de l’ordre du mille nautique, ce qui sera un facteur favorable à la continuité de la pêche aux arts traînants, cela viendra renforcer les mesures déjà mises en œuvre , pour les premiers parcs éoliens (alignement des éoliennes, des câbles en prenant en compte les courants dominants afin de créer de larges couloirs de pêche.
b. Impact sur les ressources halieutiques
Aucun parc n’étant en fonctionnement en France, l’étude d’impact sur les ressources halieutiques ne peut s’appuyer sur des pratiques et éléments factuels issus d’un retour d’expérience en France. Pour autant, des études ont été faites à l’étranger. Certains retours d’expérience de parcs exploités à l’étranger témoignent de l’observation d’un effet récif pour les poissons avec une diversité accrue de poissons au sein de la zone du parc.
Effet récif et effet réserve
Les fondations des infrastructures introduites dans le milieu marin constituent des récifs artificiels Les organismes benthiques et épibenthiques vont coloniser les fondations, cela s’appelle effet récif (cela s’observe depuis plus de 70 ans sur les épaves de la seconde guerre mondiale et cela pour la zone maritime qui nous concerne). Cette colonisation est susceptible de modifier la chaîne trophique (c’est-à-dire les relations qui s’établissent entre des organismes en fonction de la façon dont ceux-ci se nourrissent) dans la zone d’implantation du parc. Certains poissons et mammifères marins pourraient en effet être attirés par ce nouveau récif artificiel : cela s’appelle l’effet réserve.
Cet effet a notamment été observé dans le parc Horns Rev 1 qui a été mis en service en 2002 à 15 km des côtes ouest du Danemark, où de nouvelles espèces de poissons ont été enregistrées dans le récif artificiel ainsi créé. Les chercheurs n’ont en revanche pas observé de disparitions de certaines populations de poissons. La diversité des espèces de poissons a donc augmenté avec l’implantation du parc. Une étude publiée en 2018 par l’Institut Royal Belge des Sciences Naturelles témoigne également de l’observation d’un effet récif. [3]
Cependant, d’autres retours d’expériences sont plus réservés quant à l’effet réserve permis par le parc éolien en mer. Un programme de contrôle et d’évaluation des impacts sur l’environnement (dont les communautés halieutiques) de la construction de la 1ère ferme éolienne néerlandaise, construite entre 10 et 18 km des côtes en 2006, a été mené par l’IMARES (l’équivalent néerlandais de l’Ifremer). L’étude a réalisé des analyses avant la construction, puis après la construction. Il en ressort qu’à l’échelle de la zone côtière néerlandaise, il ne peut pas être observé d’effet significatif en termes d’abondance. Il a été observé une légère augmentation de l’anchois supposée être un résultat de la diminution de la pression de prédation liée à la protection apportée par la ferme éolienne; à l’échelle du parc, de nettes différences ont pu être observées entre le nouveau substrat dur (artificiel) et le fond sableux : de grands groupes de poissons ont été observés près des monopieux et des protections anti-affouillement (cabillaud, tourteau, tacaud, chaboisseau commun, chabot de mer et dragonnet lyre), mais une moindre abondance en poissons plats, sole, limande, plie, et merlan.
c. Démarche visant à limiter les effets négatifs du parc sur les ressources halieutiques
Enfin, des mesures d’évitement (choix des fondations, design du parc, usage de peintures antifouling…), de réduction et de compensation (éventuelles compensations financières pour les pertes pour les activités de pêche) seront mises en œuvre par le porteur de projet pour limiter les potentiels effets négatifs du parc.
L’anticipation et la préparation à l’action de pêche dans les parcs éoliens sont des enjeux forts. Cette action devrait permettre à l’autorité maritime d’autoriser la pêche , de rassurer la profession que l’engagement pris est certain d’être réalisé et de ne pas mettre à la charge des pêcheurs des contraintes complémentaires à l’exercice de leur activité qu’elle soit administrative, financière ou technique (déclarations d’accès aux zones, surprimes d’assurances, problèmes radar…).
La consultation des pêcheurs vise, d’une part, à éviter les secteurs les plus pêchés et/ou représentant une grande richesse halieutique et, d’autre part, à essayer de concilier les activités de pêche et de production d’énergie en optimisant les modalités d’implantation du parc. Pour cela, les représentants des comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins sont étroitement associés au choix de la zone d’implantation des parcs éoliens.
2. Compensation financière
La France a mis en place une taxe spécifique aux éoliennes en mer sur le domaine public maritime. Cette taxe annuelle est acquittée par l’exploitant de l’unité de production d’électricité. Elle est définie sur le nombre de mégawatts installés dans chaque unité de production d’électricité. Sur le domaine public maritime, le tarif annuel de la taxe est fixé en 2019 à 16 301 € par mégawatt installé et évolue chaque année comme l’indice de valeur du produit intérieur brut total.
Pour un parc éolien de 1 GW installé sur le domaine public maritime, le montant annuel de la taxe acquittée par l’exploitant de l’unité de production serait de 16,3 M€ en 2019.
Le montant de la taxe est ensuite affecté au fonds national de compensation de l’énergie éolienne en mer. Une première moitié (50%) de ce fonds est alors affectée aux communes littorales d’où des installations sont visibles, alors que l’autre moitié est dédiée au développement des activités des usagers de la mer, selon le schéma suivant :
- 35% des ressources de ce fonds sont répartis entre le comité national et les comités locaux des pêches maritimes et des élevages marins. Par ce biais, la taxe sur les éoliennes maritimes participe au financement de projets permettant l’exploitation durable des ressources halieutiques dans les zones d’implantation de parcs éoliens ;
- 5% sont affectés au développement des autres activités maritimes, telles que les activités de plaisance et les loisirs nautiques. La taxe sur les éoliennes en mer participe donc au maintien de l’attractivité des littoraux qui accueillent un parc ;
- 5% vont à l’Office Français de la Biodiversité, qui veille notamment au respect des écosystèmes dans lesquels des parcs sont implantés ;
- enfin depuis 2018, 5% vont à l’association des sauveteurs en mer (SNSM), reconnue d’utilité publique.
D’autre part, il peut être mis en place par le porteur de projet des indemnisations locales à destination des pêcheurs.Les premiers parcs éoliens en mer qui seront déployés en France prévoient, en fonction des situations propres à chaque projet, des possibilités de compensations financières en cas d’impact économique sur la filière pêche. Cette compensation serait particulièrement nécessaire pendant la période des travaux qui nécessite, pour la sécurisation du chantier, de devoir restreindre fortement l’accès à la zone maritime du futur parc éolien. Les dispositions financières sont individualisées en fonction du chiffre d’affaires de chaque navire qui exploite cette zone.
3. Balises et sécurité
Le parc figurera sur les cartes maritimes et disposera d’un balisage distinct. Celui-ci sera conforme à la recommandation O-139 de l’Association internationale de signalisation maritime (AISM) et à la note technique de la direction des affaires maritimes du 11 juillet 2016 relative aux mesures de sécurité applicables à la planification d'un champ éolien en mer.
Emplacement du feu de navigation maritime sur le mât d’une éolienne en mer - extrait de Note technique du 11 juillet 2016 relative aux mesures de sécurité maritime applicables à la planification d’un champ éolien en mer NOR : DEVT1613199N
Si besoin, le balisage maritime pourra être de plusieurs natures : visuel (balisage lumineux et couleurs réglementaires), sonore, électronique. Les caractéristiques de ce dispositif seront approuvées par l’autorité maritime.
Pour plus d’informations, nous vous invitons à vous référer à :
- La fiche 7.3 “Les activités humaines et les usages actuels de la zone - la pêche” ;
- visualiseur cartographiques
- Etude pêche ( bibliograpie du maître d’ouvrage)
[1] Retour experience du parc Horns Rev 1 au Danemark “Effect of the Horns Rev 1 Offshore Wind Farm on Fish Communities: follow up seven years after construction”, Simon B. Leonhard, Claus Stenberg and Josianne Støttrup et al., 2011;
[2] Un programme de contrôle et d’évaluation des impacts sur l’environnement (dont les communautés halieutiques) de la construction de la 1ère ferme éolienne néerlandaise, construite entre 10 et 18 km des côtes en 2006, a été mené par l’IMARES (l’équivalent néerlandais de l’Ifremer)
[3] Le rapport publié en 2018 par le Royal Belgian Institute of Natural Sciences, (équivalent en France du Museum National d’Histoire Naturelle), OD Natural Environment, Marine Ecology and Management : Environmental Impacts of Offshore Wind Farms in the Belgian Part of the North Sea: Assessing and Managing Effect Spheres of Influence. Etude de S. Degraer, R. Brabant, B. Rumes et L. Vigin.
[4] Note technique du 11 juillet 2016 relative aux mesures de sécurité maritime applicables à la planification d’un champ éolien en mer. NOR : DEVT1613199N (Texte non paru au journal officiel) Direction des affaires maritimes.
[5] Recommandation O-139 de l’Association internationale de signalisation maritime (AISM)
Signaler un problème
Ce contenu est-il inapproprié ?
Partager: