Débat public - En mer, en Normandie : de nouvelles éoliennes ?
Débat public sur les futurs appels d'offres d'éoliennes en mer au large de la Normandie
Q30 • Eoliennes en mer et migration ?
Réponse publiée
Question posée via le questionnaire d'après-rencontre, par un habitant de Saint Vaast la Hougue.
Quels impacts projetés du projet sur les mouvements migratoires des oiseaux et des mammifères marins ? Que ce soit lors de sa construction et après.
Réponse officielle :
Réponse de la Direction générale de l'énergie et du Climat (DGEC, Maitre d'ouvrage) :
La macro-zone soumise au débat public a fait l’objet d’une étude bibliographique visant à identifier ses principaux enjeux environnementaux maritimes et terrestres. Cette étude a été pilotée avec l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB) et l’Ifremer. Il s’agit d’une première phase d’étude. Cette étude peut être consultée sur le site internet Géolittoral (voir références en fin de réponse). Une étude plus fine de l’environnement, appelée état initial, sera réalisée par l’État et Rte à l’issue du débat public, sur la zone de construction du futur parc éolien en mer d’1GW qui aura été retenue. Ensuite, tout au long de la durée de vie du parc éolien en mer, des mesures de suivi seront mises en place. Un comité de suivi et un conseil scientifique veilleront à la bonne application des mesures ERC (Eviter, Réduire, Compenser).
- La phase travaux
Durant les travaux, les mammifères marins sont les plus impactés par les bruits impulsifs ou continus générés par l’installation des fondations des éoliennes et du poste en mer, par les opérations d’ensouillage ou de protection des câbles, et par les navires. Une minimisation de la durée des travaux sera systématiquement recherchée par le porteur de projet.
Des campagnes nationales ont été menées pour recenser les mammifères en Manche-Est. Les résultats de ces campagnes seront pris en compte dans le choix de la localisation de la zone de projet, pour éviter autant que possible les zones les plus fréquentées par les mammifères. Une fois la zone de projet connue, des études permettant de connaître plus finement la fréquentation des espèces en présence permettront de déterminer les périodes de moindre présence des individus. Ces périodes seront privilégiées pour réaliser les travaux. De plus, des techniques d’effarouchement seront utilisées, dans un premier temps, pour éloigner les individus présents de la zone de construction et, dans un second temps, protéger ceux restant (par exemple : l’augmentation progressive du niveau d’émission pour effaroucher et la mise en place de rideaux de bulles pour limiter le bruit).
L’impact de la phase travaux sur les oiseaux migrateurs et chauve-souris est similaire à celui qui sera observé en phase exploitation (voir plus loin).
2. La phase exploitation
2.1 Impact sur les oiseaux et chiroptères
En phase d’exploitation, les oiseaux sont impactés du fait de la présence et de la rotation des éoliennes, qui génèrent un dérangement visuel et des obstacles physiques. Ces pressions peuvent se traduire par différents types d’impact : contournement à grande distance (effet barrière), évitement à proximité, perte de zone fonctionnelle ou apport de reposoirs artificiels, risques de collisions. Les risques de collision dans des conditions limitantes (mauvaises conditions météorologiques, attraction par la lumière en période nocturne, etc.) ne doivent pas être négligés, notamment pour les espèces migratrices, les espèces à longue durée de vie et à faible taux de reproduction et les espèces à fort taux de mortalité annuel, même si la littérature semble indiquer des taux d’évitement moyen élevés. Ce risque est aussi très variable d’une espèce à l’autre, en fonction de leur altitude de vol préférentielle ou de leur manœuvrabilité en vol.
Les pays possédant déjà des parcs éoliens en mer en fonctionnement, tels que le Royaume-Uni, ont développé et mis en oeuvre des méthodes permettant d’évaluer le risque de collision des oiseaux (résultant en blessures ou mort). A ce jour, la méthode la plus complète et la plus fiable pour rendre compte des risques de collisions et des comportements d’évitement des oiseaux est celle développée dans le cadre de ORJIP (Offshore Renewable Joint Industry Program). Publiée en 2018, l’étude d’ORJIP a analysé les comportements d’évitement et le risque de collision des oiseaux aux alentours du parc éolien en mer de Thanet, situé à 11 km au large des côtes du Kent (Angleterre), et mis en service en 2010. Pendant 20 mois entre 2014 et 2016, les chercheurs ont procédé à des observations de 5 espèces d’oiseaux: fou de Bassan, mouette tridactyle, goéland brun, goéland marin et goéland argenté.
⇒ L’étude conclut que la grande majorité des oiseaux des cinq espèces observées évitent avec succès la collision. Ces résultats se révèlent particulièrement pertinents dans le cadre d’un projet éolien en mer situé dans la Manche, car les espèces observées par les chercheurs d’ORJIP (fou de Bassan, mouette tridactyle, goéland brun, goéland marin et goéland argenté) sont toutes cinq des espèces pour lesquelles la Normandie présente un intérêt majeur au niveau national en période de nidification/estivage.
Enfin, il faut préciser que dans l’optique de ce débat public, une étude a déjà été réalisée pour qualifier les risques de collision et de perte d’habitat dans la macro-zone soumise au débat. Cette étude a permis de déterminer un niveau de sensibilité des espèces fréquentant la macro-zone pour la collision et la perte d’habitat. Ces niveaux de sensibilité sont propres à chaque espèce et combinent différents paramètres:
- hauteur de vol, agilité de l’espèce, temps de vie passé en vol, activité nocturne (collision);
- spécialisation dans le choix des zones d’alimentation et sensibilité au dérangement/perturbation du domaine vital par la présence d’éoliennes, de bateaux et d’hélicoptères (perte d’habitat).
L’intégralité de cette première étude est disponible sur le site Geolittoral et est synthétisée dans la fiche 7.1.1 du dossier de maître d’ouvrage.
En phase d’exploitation, la présence du parc engendrera également des effets sur les chauves-souris. Ce sont essentiellement les espèces migratrices, parcourant de longues distances en milieux ouverts, qui sont les plus susceptibles d’être perturbées, en lien avec leur réaction à la lumière artificielle, aux dérangements et à la présence physique du parc éolien en mer.
Comme pour les mammifères, les données de campagnes nationales et celles des campagnes de mesures réalisées pour l’état initial des précédents parcs éoliens en mer seront considérées dans le choix de la localisation de zone permettant de minimiser les impacts du futur parc éolien en mer.
Les connaissances sur les chiroptères en présence de parcs éoliens en mer sont encore faibles. Les chercheurs belges[1] ont étudié les hauteurs de vol des chiroptères dans un parc éolien en mer et leur risque de collision. Pour cela, ils ont installé huit détecteurs acoustiques à des hauteurs différentes sur des turbines dans le parc de Thornton Bank (4 détecteurs à 94 mètres, 4 à 17 mètres) et ont relevé les passages de chauves-souris sur une période de 19 nuits, de fin août 2017 à fin novembre 2017. Étant donné que les enregistrements sont plus nombreux à faible altitude qu’à haute altitude, ils en concluent que les chiroptères ont une faible hauteur de vol. Néanmoins, ce résultat reste à confirmer au travers d’études supplémentaires, notamment pour connaître le lien entre cette hauteur de vol et le risque de collision (notamment la capacité d’évitement). Ces résultats ont par ailleurs confirmé que la majorité de l’activité migratoire des pipistrelles a lieu entre mi-août et fin septembre.
2.2 Impact sur les mammifères marins
L’impact sur les mammifères marins sera peu marqué lors de la phase exploitation compte tenu du fait que leurs mouvements ne seront pas impactés par les éoliennes qui seront éloignées chacunes de plus d’1,5km.
2.3 Effet récif et effet réserve
Il existe toutefois des effets positifs. En effet, les fondations des infrastructures introduites dans le milieu marin constituent des récifs artificiels. Les organismes benthiques et épibenthiques vont coloniser les fondations, cela s’appelle effet récif. Cette colonisation est susceptible de modifier la chaîne trophique (c’est-à-dire les relations qui s’établissent entre des organismes en fonction de la façon dont ceux-ci se nourrissent) dans la zone d’implantation du parc. Certains poissons et mammifères marins pourraient en effet être attirés par ce nouveau récif artificiel : cela s’appelle l’effet réserve.
Certains retours d’expérience de parcs exploités à l’étranger témoignent de l’observation d’un effet réserve pour les poissons avec une diversité accrue de poissons au sein de la zone du parc.
Cet effet a notamment été observé dans le parc Horns Rev 1 [1] qui a été mis en service en 2002 à 15 km des côtes ouest du Danemark, où de nouvelles espèces de poissons ont été enregistrées dans le récif artificiel ainsi créé. Les chercheurs n’ont en revanche pas observé de disparitions de certaines populations de poissons. La diversité des espèces de poissons a donc augmenté avec l’implantation du parc. D’autres études menées en Belgique et aux Pays-Bas prouvent également l’existence d’un effet réserve.
Cependant, d’autres retours d’expériences sont plus réservés quant à l’effet réserve permis par le parc éolien en mer. Un programme de contrôle et d’évaluation des impacts sur l’environnement (dont les communautés halieutiques) de la construction de la 1ère ferme éolienne néerlandaise, construite entre 10 et 18 km des côtes en 2006, a été mené par l’IMARES (l’équivalent néerlandais de l’Ifremer).L’étude a réalisé des analyses avant la construction, puis après la construction. Il en ressort qu’à l’échelle de la zone côtière néerlandaise, il ne peut pas être observé d’effet significatif en termes d’abondance. Il a été observé une légère augmentation de l’anchois supposée être un résultat de la diminution de la pression de prédation liée à la protection apportée par la ferme éolienne; à l’échelle du parc, de nettes différences ont pu être observées entre le nouveau substrat dur (artificiel) et le fond sableux : de grands groupes de poissons ont été observés près des monopieux et des protections anti-affouillement (cabillaud, tourteau, tacaud, chaboisseau commun, chabot de mer et dragonnet lyre), mais une moindre abondance en poissons plats, sole, limande, plie, et merlan.
Pour plus d’informations, vous pouvez vous référer à:
● La fiche 7.1.1 “L’environnement”, du Dossier du Maître d’Ouvrage (voir en ligne);
● La fiche 8 “En quoi consiste la démarche “Éviter, Réduire, Compenser”? (voir en ligne) ;
● L’étude bibliographique réalisée par l’État et consultable sur le site Géolittoral (voir en ligne) ;
● Les principaux effets sont présentés dans cette réponse, la consultation des études d’impacts des précédents parcs listent l’ensemble des effets pour un parc éolien en mer. Ainsi, l’étude d’impact réalisée pour le projet de parc éolien en mer de Dieppe-Le Tréport peut être consultée (voir en ligne)
[1] https://backend.orbit.dtu.dk/ws/portalfiles/portal/7615058/246_2011_effect_of_the_horns_rev_1_offshore_wind_farm_on_fish_communities.pdf
Signaler un problème
Ce contenu est-il inapproprié ?
Partager: