Débat public - En mer, en Normandie : de nouvelles éoliennes ?
Débat public sur les futurs appels d'offres d'éoliennes en mer au large de la Normandie
Q35 • Quelle comparaison peut-on faire entre les décès d'oiseaux imputable à la chasse et ceux imputables aux éoliennes chaque année ?
Réponse publiée
Pour protéger les oiseaux, vaut-il mieux limiter les éoliennes ou limiter la chasse ? Autrement dit, combien d’oiseaux sont tués chaque année par la chasse (espèces protégées notamment) et combien pourraient être tués par des éoliennes en mer?
Merci
Réponse officielle :
Réponse de la Direction générale de l'énergie et du Climat (DGEC, Maitre d'ouvrage).
Bonjour et merci de votre question.
La comparaison entre l’impact des éoliennes en mer et l’impact de la chasse sur les oiseaux est difficile à appréhender car il ne s’agit pas de la même localisation et donc des mêmes espèces concernées (milieu marin pour les éoliennes en mer et espace terrestre, marais pour la chasse).
Les espèces chassables en France sont au nombre de 89, réparties entre gibier sédentaire, gibier d’eau et oiseaux de passage. L’arrêté du 26 juin 1987 fixe la liste des espèces chassables. Parmi les 89 concernées, il y a 67 espèces d’oiseaux dont 49 espèces migratrices. Les oiseaux marins ne font pas partie de la liste des espèces chassables, tout comme, bien évidemment, l’ensemble des espèces protégées.
Il est difficile d’avoir des statistiques précises sur le nombre d’oiseaux tués par espèce par les chasseurs car il n’existe pas de suivi systématique. Les éléments chiffrés disponibles sont déclaratifs et disponibles seulement certaines années en fonction des réponses à des enquêtes transmises par l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) aux chasseurs. Vous pourrez trouver les résultats de l’enquête 2013-2014, dernière enquête en date après celle de la saison 1998-1999 à cette adresse : http://www.oncfs.gouv.fr/IMG/file/publications/revue%20faune%20sauvage/FS_310_enquete_tableau_de_chasse.pdf
De même qu’il n’est pas évident de connaître le nombre d’oiseaux tués par les chasseurs, il est difficile d’estimer le nombre d’oiseaux tués au sein des parcs éoliens en mer, principalement parce que les cadavres ne sont pas retrouvés. En France, dans la mesures où aucun parc n’est en service, aucune donnée ne peut encore exister.
Il existe toutefois un retour d’expérience européen puisque de nombreux pays possèdent des parcs éoliens en mer depuis de plusieurs années. Ainsi, l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) publie chaque année un bilan des impacts liés aux parcs éoliens en mer implanté sur le territoire. Ces parcs comportent trois cent dix-huit éoliennes, d'une puissance totale de 1.556 MW, qui ont été construites dans la partie belge de la mer du Nord entre 2008 et 2018. Les parcs éoliens en Mer du Nord ont eu des conséquences variables sur l'environnement. Les structures en mer dissuadent ainsi certaines espèces d'oiseaux mais en attirent d'autres. Le fou de Bassan (-98 %), le guillemot de Troïl (-60 à -63 %) et le pingouin torda (-75 à -80%) se sont éloignés du parc éolien. En revanche, l'attrait du parc éolien est démontré pour les grands cormorans, les goélands argentés et les goélands marins et la mortalité peut être importante.
De même, l’étude de l’ORJIP (Offshore Renewable Joint Industry Program) publiée en 2018 a analysé les comportements d’évitement et le risque de collision des oiseaux aux alentours du parc éolien en mer de Thanet, situé à 11 km au large des côtes du Kent (Angleterre), et mis en service en 2010. Pendant 20 mois entre 2014 et 2016, les chercheurs ont procédé à des observations de 5 espèces d’oiseaux: fou de Bassan, mouette tridactyle, goéland brun, goéland marin et goéland argenté.
L’étude conclut que la grande majorité des oiseaux des cinq espèces observées évitent avec succès la collision. L’étude a mis en évidence des stratégies d’évitement mises en œuvre par les oiseaux à plusieurs échelles (évitement du parc dans son ensemble, évitement horizontal/vertical des différentes turbines, évitement à la dernière minute, à l’approche directe des pales ou du moteur) et a formulé des recommandations techniques pour les modèles de prédictions des collisions. Le résultat de cette étude est disponible à l’adresse: https://www.carbontrust.com/resources/reports/technology/bird-collision-avoidance/
Ces résultats se révèlent particulièrement pertinents dans le cadre d’un projet éolien en mer situé dans la Manche, car les espèces observées par les chercheurs d’ORJIP (fou de Bassan, mouette tridactyle, goéland brun, goéland marin et goéland argenté) sont toutes cinq des espèces pour lesquelles la Normandie présente un intérêt majeur au niveau national en période de nidification/estivage.
Une série de mesures permet de limiter au maximum le risque de collision pour les oiseaux (avifaune). A travers la démarche « Eviter, Réduire, Compenser », inscrite dans le Code de l’Environnement la prise en compte des enjeux environnementaux est intégrée le plus en amont possible du projet éolien en mer, dès sa conception. Ainsi, l’impact des éoliennes sur les oiseaux fait l’objet d’études dans un soucis d’évitement, de réduction, voire de compensation des effets négatifs.
i) Mesures d’évitement
Les premières étapes cherchant à répertorier les principales zones fonctionnelles pour les espèces sensibles à l’éolien en mer et à débattre publiquement pour identifier des zones à moindre impacts, permettent d’appliquer les premières mesures d’évitement en amont de l’installation d’un parc éolien en mer.
L’étude bibliographique environnementale menée par l’Etat et Rte spatialise notamment les enjeux relatifs à l’avifaune en prenant en compte leur sensibilité, la patrimonialité, la saisonnalité et les caractéristiques des espèces fréquentant la zone (espèces hivernantes ou nicheurs locaux par exemple). Ce socle de connaissances, qui a vocation à être enrichi lors des échanges menés pendant le débat public, permet d’initier la démarche d’évitement des impacts sur l’avifaune. Le choix de zones plus éloignées de la côte, peut par exemple permettre de limiter les impacts sur des groupes d’espèces au comportement plutôt côtier. Les axes migratoires également « côtiers » en provenance de la mer du Nord pourraient ainsi également être préservés.
Une fois la démarche d’évitement à l’échelle « macro » réalisée, sur la base des meilleures connaissances disponibles et de la faisabilité technique, des campagnes in situ permettront d’affiner la connaissance de la fréquentation par les oiseaux et éventuellement de proposer de nouvelles mesures d’évitement au sein du périmètre envisagé pour le projet de parc éolien.
ii) Mesures de réduction
Le lauréat de l’appel d’offres aura à charge de définir les mesures pour réduire les impacts qui n’auront pu être évités. Il peut intégrer l’enjeu de préservation de l’avifaune dès la conception du parc en adaptant par exemple le nombre d’éoliennes, la hauteur du mât ou la distance.
De plus, la plupart des autorisations environnementales déjà délivrées à des parcs éoliens en mer (commerciaux ou pilotes) prévoient des mesures pour réduire le risque de collision de l’avifaune. Ainsi, la lumière ayant plutôt tendance à attirer les oiseaux (photo-attraction) et donc à accroître le risque de surmortalité ; l’intensité des éclairages de nuit sur les navires de travaux, et en phase d’exploitation sur la sous-station en mer ou sur les éoliennes, peut-être réduit à son strict minimum. Les porteurs de projet peuvent également prévoir l’installation de dispositif anti-perchoir.
Enfin, des mesures de bridage ont été mises en œuvre pour les parcs éoliens offshore en mer Baltique situés sur des axes migratoires majeurs depuis l’Arctique. Si ce n’est pas le cas pour les parcs commerciaux développés en France actuellement, le parc pilote EolMed au large de Port-la-Nouvelle a mis en place des mesures plus ambitieuse en la matière. En effet, si les mesures de suivi de l’avifaune montrent une surmortalité significative, des mesures correctives par effarouchement pourront être appliquées dans l’ordre de priorité suivant :
> Effarouchement visuel avec des banderoles et/ou des épouvantails (mesure testée préalablement dans le parc éolien de Race Bank en Angleterre) ;
> Effarouchement sonore automatisé via des sirènes ou des cris de détresse couplé à un dispositif de détection en temps réelle
> Effarouchement visuel par laser (selon autorisation des affaires maritimes et l’aviation civile)
En cas d’inefficacité de ces mesures sur la surmortalité, l’autorisation environnementale d’EolMed prévoit un arrêt des éoliennes appuyé sur un dispositif de vidéodétection en temps réel.
Ainsi, des mesures de suivi permettent de mesurer l’impact réel tout au long de la durée de vie du parc éolien en mer. Un comité de suivi et un conseil scientifique pourront être mis en place pour veiller à la bonne application des mesures ERC. Si des impacts non anticipés étaient identifiés dans le cadre des suivis mis en place, le préfet de département pourra imposer des mesures complémentaires de réduction ou de compensation des impacts.
Pour en savoir plus, vous pouvez vous référer à :
● arrêté du 26 juin 1987 relatif à la liste des espèces chassables en France : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000296288&categorieLien=cid
● Enquête sur les tableaux de chasse en France pour la saison 2013-2014 : http://www.oncfs.gouv.fr/IMG/file/publications/revue%20faune%20sauvage/FS_310_enquete_tableau_de_chasse.pdf
● Fiche #8 “En quoi consiste la démarche “Eviter, réduire, compenser” ?”
Signaler un problème
Ce contenu est-il inapproprié ?
Partager: