Débat public - En mer, en Normandie : de nouvelles éoliennes ?
Débat public sur les futurs appels d'offres d'éoliennes en mer au large de la Normandie
A27 • La multiplication des ENR couplées sur le réseau fragilise sa stabilité
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Ce post fait suite au black-out du 09/08/19 en Angleterre qui démontre qu'avec seulement 44% d'ENR couplées au réseau anglais, au moindre aléa sur le réseau (perte de seulement 1430MW), les seuls moyens conventionnels et modulables restés en service n’ont pu éviter le black-out, c'est à dire une coupure d'électricité due à un défaut de qualité de service. Cette contribution fait également suite au délestage massif que RTE a dû réaliser pour éviter le black-out sur une perte d’une tranche de 900MW.
Pour comprendre, il faut connaître le fonctionnement et les modalités de gestion du système électrique. C'est l'objectif de ce post. Il se veut pédagogique. Les experts y trouveront des manques et des approximations, c’est normal. Il doit d’être accessible aux non-initiés.
Un réseau électrique, c’est quoi ? Un réseau électrique ne fonctionne pas comme un réseau d'eau potable. Il ne suffit pas de mettre un bidon rempli d'eau et des pompes pour que ça marche. Et puis si une pompe tombe en panne, peu importe si la pression d'eau baisse, j'ai toujours un peu d'eau pour prendre ma douche. Non ! Pour fonctionner et éviter sa dégradation, un appareil électrique a besoin d’être alimenté dans le respect de 2 grandeurs fondamentales la fréquence du courant alternatif 50Hz et la tension 220V.
Plus que l’eau encore, l’électricité est difficilement stockable à l’échelle d’un pays industrialisé comme la France, techniquement, économiquement et écologiquement. Or, en cas de déséquilibre production-consommation, les 2 grandeurs, fréquence et tension, sont immédiatement perturbées. Pour que vos appareils fonctionnent, il faut régler très précisément ces 2 valeurs fondamentales, fréquence et tension électrique, chaque seconde, 365 jours/an. La qualité de service de ce métier, c’est d’équilibrer en temps réel la production à la consommation par le réglage de la fréquence et de la tension, parce qu'à l'échelle d'un pays et de l'Europe, la technologie actuelle ne permet pas un stockage massif. Il existe néanmoins un moyen de stockage limité de l’électricité. L’eau des barrages sert de stockage d’une réserve potentielle d’électricité mobilisable. Elle a ses limites suivant si le pays a ou pas les moyens naturels de stocker de l'eau.
Nota : Je ne parlerai que du réglage de fréquence parce que je vais faire appel à ce que tout le monde connait : la puissance (active) d'un moyen de production, c'est à dire le débit d'électricité qu'il peut fournir. Sachez que le principe est exactement le même pour le réglage de la tension. Le réglage de ces deux grandeurs ne peut se faire qu'à partir de moyens de production modulables, pas par des moyens de production de type ENR qui fournissent une électricité en fonction de ce qu'ont décidé le vent et le soleil.
Réglage du déséquilibre production / consommation : réglage de la fréquence.
Je prendrai l’analogie d’un réseau d’eau, dans lequel on cherche à régler un niveau d’eau (ici la fréquence du réseau électrique). Il s’agit de maintenir l’équilibre en fourniture et consommation d’un « fluide », en ajustant un paramètre (niveau ou fréquence) qui traduit les écarts entre débit entrant et débit sortant d’un système. En Europe, la fréquence est égale à 50 Hz (périodes par seconde).
Pour un système électrique, les robinets de réglage du débit d’eau entrant, ce sont les centrales électriques dites conventionnelles nucléaires, charbon, gaz, barrages hydrauliques, les moyens de production modulables, ceux capables de régler leur fourniture d’électricité. Les ENR aussi apportent de l’électricité au réseau électrique. Mais leur fonctionnement est asservi à un flux (vent ou ensoleillement) peu prévisible sinon aléatoire et totalement indifférent aux variations de la consommation d’électricité. Les ENR ne peuvent en aucun cas participer à l’équilibre production / consommation. Pire, plus il y a d’ENR couplées, moins il y a de moyens modulables pour garantir la qualité de service (Cf black-out anglais).
Modalités de gestion d’un système électrique.
Pour conserver cette qualité de service, le gestionnaire de réseau détermine la prévision de consommation sur 24h en fonction de plusieurs facteurs, date, historique de consommation, météo prévue, coût de production etc. Il fixe les plans de charge des moyens de production modulables. Et pour pallier les incertitudes sur les prévisions de production et de consommation, il se dote de réserves de production d’énergie, qu’on peut solliciter en cas de besoin. Ces réserves sont de 3 natures, réserve primaire, secondaire, tertiaire. Elles ne concernent que les moyens de production modulables. Les ENRi ne peuvent se soumettre à des ordres de pilotage.
La réserve primaire :
C’est une réserve d’électricité des moyens de production modulables qui va compenser automatiquement, sans intervention humaine, l’accroissement ou la diminution de la consommation. Le gestionnaire du réseau programme tous les jours la puissance électrique dont il a besoin pour cette compensation. On pourrait dire que c’est suffisant. Non ! Parce qu’avec ce type d’apport automatique sur un nombre important de moyens de production, on pourrait avoir des phénomènes de pompage. Cette réserve égale l’équilibre production/consommation. Il subsiste systématiquement un écart de fréquence après réglage. C’est pour cela qu’il y a la réserve secondaire qui permet de rétablir la fréquence à la valeur de consigne, 50Hz.
La réserve secondaire :
Le gestionnaire de réseau prévoit tous les jours la contribution des moyens de production modulables à la constitution d’une réserve secondaire de production d’électricité (les ENRi en sont incapables). Cette marge de production peut être mise en œuvre rapidement (quelques minutes) pour rétablir la fréquence à 50Hz. Ce mode de réglage, « semi-automatique » et contrôlé par le gestionnaire du réseau, envoie aux moyens de production modulables un signal + (plus) ou – (moins) pour compenser l’écart résultant de la réserve primaire.
La réserve tertiaire :
Il s’agit d’électricité mobilisable rapidement, hors programme préétabli et au-delà des capacités du réglage automatique. Elle est sollicitée par le gestionnaire du système électrique, auprès des producteurs susceptibles d’en disposer, pour rétablir la fréquence, en cas d’aléas. C’est un réglage à actions manuelles. Les barrages hydro-électriques dont les durées de mises en service sont très rapides, font partie de cette réserve tertiaire. Aussi, une unité de production nucléaire maintenue à sa puissance minimale « le minimum technique » et qui peut, sous 30mn et à la demande express du gestionnaire du réseau revenir à sa pleine puissance.
Dans le cas où les réserves sont insuffisantes pour rétablir l’équilibre, on procède à des coupures massives et si la dynamique est trop rapide, c’est le black-out !
Nous venons de démontrer que 100% d’ENR est techniquement impossible, toute qualité de fourniture égale par ailleurs, hors black-out. On vient de voir aussi que le taux d’ENR couplés, dans le mix de production en service, conditionne le taux de moyens de production modulables couplés et donc les réserves pour conserver cette qualité de service à laquelle les français sont attachés. Le dernier black-out français date du 19/12/1978, l’année de démarrage du Parc nucléaire français soit la mise en service de 58 moyens modulables décarbonés en 20 ans, d'une puissance égale à 63 130MW. Ce n'est pas un hasard au regard des black-out qui existent dans les autres pays. Le 22/02/20, nous allons nous priver de 900MW modulables, avec l'arrêt de Fessenheim 1 !
On mesure combien l’objectif de 100% d’ENRi est utopique, mensonger ou révélateur d’une méconnaissance des conditions de fonctionnement d’un système électrique. Lorsqu’on parle de service au public, l'utopie n'a pas sa place.
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