Débat public - EOS
#DebatpublicEOS Projets de parcs éoliens flottants en Méditerranée
A16 • Parlons un peu de notre argent.
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Mes avis A9 et A12 et A13 montrent que dans le dossier du ministère l’encart « La production électrique des parcs » est tout simplement à jeter. Ses chiffres sont soit grossièrement faux (nombre de personnes alimentées en électricité, tonnes de CO2 évités) soit correspondent à des prévisions sur l’énergie livrée annuellement dont l’optimisme surprenant ne s’assoit sur aucune donnée. Mais si ce que dit le ministère concernant la production électrique et son apport écologique est faux ou sans validation on peut aussi s’intéresser à ce que ne mentionne pas le document de synthèse et qui est abordé seulement partiellement en page 56 du dossier complet : tout ce que tout cela va couter d’une part au citoyen (budget national) et d’autre part au consommateur d’électricité (sa facture).
J’écris « partiellement » car, très pudiquement, le dossier évite de chiffrer le coût du raccordement au réseau terrestre depuis la mer. Or depuis une décision prise en 2018 (ministère Hulot), celui-ci doit pris en charge intégralement par le public via l’entreprise RTE. Or on peut par exemple lire sur le site « www.energiesdelamer.eu/2019/09/20 » que « RTE rappelle (…) que « le raccordement constitue désormais une composante importante du coût complet de l’éolien en mer … » » et dans le document RTE annonce des milliards de dépenses. Quel qu’il soit, ce montant se retrouvera sur nos factures à la rubrique du transport de l’électricité (TURPE). Le parc éolien flottant pourra donc ainsi s’enorgueillir d’apporter sa contribution à l’alourdissement de la facture électrique des français.
Comme il est clair, pour les promoteurs comme pour le ministère, que s’il devient opérationnel un jour, ce renouvelable flottant ne sera pas compétitif, le gouvernement a choisi de le soutenir en puisant une fois de plus dans le Compte d’Affectation Spécial (CAS) du budget national. Ce CAS est alimenté par la taxation sur les carburants (TICPE) et donc, in fine, par les français, de moins en moins nombreux au fil des ans (et pas forcément parmi les plus riches) qui ne pourront pas s’acheter une voiture électrique. Quoiqu’il en soit, dans le dossier, le ministère calcule que le soutien étatique au futur parc de 1,5 GW s’élèvera à 462 M€ par an et cela pendant 20 ans (462 = 6 fois les 77 M€ du dossier car le communicant a choisi de n’imprimer que le plus petit chiffre possible pour ne pas trop effaroucher le lecteur). En fait on peut même s’assurer que ce montant sous-estime de plus de 25 % ce que sera la facture réelle pour le budget national donc le citoyen.
En effet, le contrat garantit au promoteur que le réseau acceptera en priorité tous les MWh qu’il produira et que, pour chacun, il touchera, d’abord de RTE le prix de marché au moment de la livraison, puis ensuite une compensation versée par l’Etat. Leur addition lui assurera que pour chaque MWh produit, il recevra une rémunération égale à un peu moins de trois fois le prix moyen annuel du marché actuel (110 €). Le prix du marché peut fluctuer, le producteur reste assuré d’encaisser 110 € par MWh livré. Notons que ce système très favorable fera certainement saliver tous les paysans et les marins-pêcheurs d’Occitanie qui pourraient légitimement se demander pourquoi TOTAL, ENGIE ou IBERDROLA (par exemple) y auraient droit pour l’électricité et pas eux pour leur production alimentaire, pourtant tout aussi nécessaire à la vie du pays. Un tel système attirera sûrement aussi l’attention intéressée des banquiers qui préfèreront toujours prêter à un montage financier sécurisé par la parole de l’état plutôt qu’à un petit entrepreneur qui doit lutter seul dans un marché concurrentiel.
Pour le calcul du montant de la subvention publique qu’il faudra verser au promoteur (les 462 M€ cités plus haut), le ministère choisit de soustraire à ces 110 €/MWh un prix de référence qu’il estime aujourd’hui à 40 €/MWh. Selon le document du ministère, ce chiffre correspond au prix du marché en moyenne annuelle. Il est supposé représenter la valeur réelle de production du MWh livré in fine au consommateur. Finalement on multiplie par la production escomptée de 6,6 TWh par (110 – 40) = 70 €/MWh et ainsi on trouve les 462 M€/an de subvention publique additionnelle.
La tromperie ici c’est que pour calculer la charge transmise au public, on utilise le prix de marché moyen annuel comme référence, alors qu’on ne paye au total 110 €/MWh que lorsque le parc produit, c’est-à-dire quand le vent souffle. Pour estimer et annoncer la subvention que le public devra débourser, il ne faut donc pas soustraire un prix moyen sur l’année mais le prix moyen du marché quand le vent souffle. Or les données systématiques bien connues des opérateurs de réseau, comme par exemple RTE, montrent que, quand il y a du vent, le prix du marché se situe plus bas, typiquement autour de 20 €/MWh (voir fichier joint « VraiCoûtRéférenceEolien ») par MWh. La subvention publique ne doit donc pas être estimée en multipliant les MWh produits par (110 – 40) = 70 €/MWh mais par (110 – 20) = 90 €/MWh. La subvention publique devrait donc être 9/7 = 1,29 fois plus grande, soit la broutille de 132 M€ par an en plus.
Au contraire quand le vent ne souffle pas (cas de l’Europe au mois de Juin 2021), les prix de marché dépassent souvent les 40 €/MWh. Mais pour autant cela ne diminuera pas la subvention publique puisque justement il n’y a alors pas de MWh éolien à subventionner. C’est ce que montre aussi clairement la figure dans le fichier joint.
En conclusion pour que le public (citoyen et consommateur) qui va payer tout cela à travers le budget de l’état et sur sa facture électrique puisse vraiment se faire une opinion, il semble nécessaire que la CPDP demande 1) au ministère de clarifier le choix du prix de référence (pourquoi 40 et pas 20 €/MWh ?) alors qu’on parle d’une production éolienne donc intermittente et 2) à l’entreprise RTE de préciser un coût total pour l’opération de connexion du parc offshore au réseau terrestre.
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