Débat public - EOS
#DebatpublicEOS Projets de parcs éoliens flottants en Méditerranée
A216 • Notes et remarques de l'association Au Fil du Rhône
Publié
Bien que son objet soit le choix de 2 zones sur les 4 proposées pour l’implantation d’éoliennes en mer, le débat public ouvert sur le projet EOS soulève bien des questions.
Ce projet fait-il sens ?
La création de parcs éoliens en Méditerranée s’inscrit dans la stratégie énergétique. Elle a pour but la réduction des gaz à effets de serre pour répondre au changement climatique, définie par l’Etat et conforme aux engagements européens. La répétition et l’intensité des évènements météo, qui confirment la réalité du réchauffement, confèrent un caractère d’urgence par tous et partout réaffirmé, devenu l’argument majeur à sa réalisation. Pourtant, la France émet moins de 1% des émissions mondiales d’équivalent CO². De cette part, 70% sont dus à l’utilisation de l’énergie et 30% à sa production dont 12% à celle de l’électricité.¹
La sortie du nucléaire justifierait aussi cette urgence. La loi énergie climat impose de ramener à 50% la part du nucléaire d’ici 2035. L’anticipation du vieillissement du parc des centrales dont la plupart arriveraient en fin de vie entre 2040 et 2050 (effet falaise) et la fermeture de 14 réacteurs d’ici 2035, nécessiteraient donc un recours impérieux et massif aux énergies renouvelables dont l’éolien.
Or, l’énergie éolienne reste tributaire des aléas météo et non pilotable. Elle nécessite, pour pallier un taux de charge toujours controversé et préserver la continuité et la régularité de la fourniture d’électricité, le recours à d’autres moyens de production, centrales thermiques et/ou nucléaires.
L’Allemagne et le Royaume Uni, en juin et septembre dernier, ont été contraints de remettre en marche leurs centrales thermiques et d’acheter de l’électricité à la France. Une réalité d’ailleurs admise par l’Etat qui prévoit la prolongation des 32 centrales de 900 MW, vraisemblablement pour éviter d’être confronté à une telle alternative, fort peu écologique, et préserver son indépendance énergétique.
Quel sera son impact environnemental ?
Visuellement, l’appréciation est subjective mais 20 éoliennes de 200 à 250 m se verront forcément de la côte, comme se voient des quartiers sud de Port Saint Louis du Rhône, le viaduc de Martigues ou la tour du quartier des Comtes à Port de Bouc, d’une hauteur bien moins importante.
Par ailleurs, puisqu’aucun champ offshore n’est encore en activité en France, les risques pour la biodiversité locale sont difficilement évaluables. Si les retours d’expériences étrangers ont permis d’améliorer les techniques d’implantations, leurs bilans environnementaux sont, selon leurs sources, particulièrement nuancés, imprécis pour les effets à court terme et impossibles compte tenu du recul insuffisant. Les ornithologues, affirment que leur implantation face à la Camargue, aura des conséquences sur plusieurs espèces. Un avis qui rejoint celui, très détaillé, du Conseil National de Protection de la Nature². Les pêcheurs, experts de terrain, dans leur ensemble, s’inquiètent des effets sur le milieu marin et la pérennité de leurs activités. Simulations et données de laboratoire ne peuvent pallier les connaissances acquises in situ or, paradoxalement, le projet prévoit le lacement des appels d’offre sans attendre celles que devraient fournir les projets pilotes. La mesure des conséquences environnementales réelles, auxquelles il faudrait ajouter le coût en énergie grise de chaque éolienne, reste en l’état pour le moins improbable et rend leur estimation impossible et toute application de la séquence Eviter, Réduire, Compenser, irréaliste.
Quelle sera la portée du débat ?
Le code de l’environnement définit le cadre de la participation du public au processus décisionnel dès sa phase d’élaboration³ mais débats et enquêtes publiques relèvent de la concertation et n’ont aucun caractère contraignant. Le présent débat intervient dans un contexte où la stratégie énergétique nationale et sa programmation ont depuis plusieurs années, été intégrées aux politiques territoriales. Aménageurs et collectivités locales, convaincus de l’essor promis des filières industrielles de l’offshore et leur potentiel socio économique, ont élaboré projets et plans de développement en conséquence⁴, devenant, de facto, d’inconditionnels soutiens à la réalisation du projet EOS. Cette chronologie concourt pour bonne partie, au peu d’intérêt du grand public, persuadé que la décision est, de fait, déjà arrêtée. Elle peut aussi participer à brouiller sa perception de « l’utilité publique », trouble que l’«urgence décrétée », propulsant la transition énergétique au premier rang des priorités nationales, entretient.
Le débat public EOS, malgré les efforts fournis pour assurer les échanges en dépit de la crise sanitaire et favoriser l’émergence de nouveaux espaces comme l’expérience « s’exposer au vent », conduite par le bureau des guides 2013, qui mériterait à notre sens d’être reproduite voire intégrée dans les outils de débat, ce heurte aussi à ces limites.
Aussi, compte tenu de l’importance du projet et de ses conséquences redoutées pour l’environnement et les activités traditionnelles, si les avis et remarques émises lors du débat ne devaient n’avoir qu’une influence marginale, la concertation pourrait n’apparaître pour certains, qu’un instrument de mesure de l’acceptabilité du projet, pour d’autres qu’un exutoire et pour la plupart, qu’une inutile formalité réglementaire.
¹ Chiffres clés du climat France, Europe et Monde, édition 2021, Ministère de la transition écologique.
² Autosaisine du CNPN sur le développement de l’énergie offshore en France et ses impacts sur la biodiversité, le patrimoine naturel et les paysages, CNPN juillet 2021
³ Participation du public à l'élaboration des plans, programmes et projets ayant une incidence sur l'environnement Code de l’environnement, Chapitre Ier, Articles L121-1-A à L121-24
⁴ Plan climat régional PACA 2017, PLU Port st Louis du Rhône, rapport de présentation T1 2017
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