Débat public - Plateforme photovoltaïque "Horizeo"
Projet de plateforme photovoltaïque à Saucats en Gironde
A63 • La forêt patrimoniale landaise : un mythe contemporain
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L’airial, vaste ferme landaise aux bâtiments espacés ornée de vieux chênes, constitue l’architecture typique des Landes de Gascogne. Les airiaux semblent de nos jours être des clairières au beau milieu d'un sombre océan de pins maritimes. Or, avant la plantation de résineux décrétée par Napoléon III, ces airiaux, dont certains remontent à l'époque médiévale (comme celui de Bouricos, dans les Landes, qui était au départ un oppidum romain), ne ressemblaient en rien à ce qu'ils sont aujourd'hui: tout au contraire, ils ressemblaient à des oasis au milieu de marais s'étendant à perte de vue. De quoi faire réfléchir tous les amoureux des paysages naturels et du patrimoine régional : croire que la forêt des Landes de Gascogne est là de toute éternité relève d'une profonde méconnaissance du territoire. Il y a bien sur ce territoire des massifs anciens, comme la forêt usagère de La-Teste-de-Buch, mais la plus grande partie du massif landais actuel est une plantation récente dans l'histoire. Devoir conserver cet état de fait ne va donc pas de soi, loin de là. Traditionnellement, un système agropastoral avait composé un paysage de feuillus, de vergers, et de maraîchage sur buttes inspiré des peuples améridiens (associations du type maïs-haricots-cucurbitacées) ; il y avait aussi des céréales et des moulins à vent en garluche (forme dure de l’alios). Napoléon III avait lui-même mis en place une ferme expérimentale au domaine impérial de Solférino dans les Landes, y faisant semer des cultures originales telles que le quinoa originaire d’Amérique centrale, l’igname de Chine, le coton ou le dekkelé d’Afrique, ou encore le mélilot de Sibérie, et y faisant installer des pépinières pour des essences d’arbres rares : il ne pensait donc sans doute pas que les plantations de pins allaient devenir une monoculture. Il faut d’ailleurs souligner que le passage d’un paysage de landes et de marais à celui d’une forêt plantée ne s’est pas fait sans mal pour les populations locales, les bergers ayant très mal vécu cette disparition de leur lieu de travail. Il faut connaître sur ce sujet l’exposition sur l’œuvre de Félix Arnaudin ayant été vue par le public bordelais au Musée d’Aquitaine en 2015 :
https://www.musee-aquitaine-bordeaux.fr/fr/evenement/felix-arnaudin-le-guetteur-melancolique
Ajoutons qu’on voit assez mal le bénéfice patrimonial de poser des panneaux photovoltaïques sur un toit de chaume, de même qu’il paraît assez difficile de recouvrir de panneaux photovoltaïques les toitures de Bordeaux, ville classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO; en revanche, poser des panneaux solaires au sol à côté d’une maison landaise paraît tout à fait conforme à l’esprit de l’autonomie énergétique de l’habitat traditionnel landais.
D’un point de vue purement forestier, on consultera aussi avec intérêt les travaux de Francis Hallé, qui établit une nette distinction entre forêt et plantation : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/08/15/ne-prenons-plus-les-plantations-d-arbres-pour-des-forets_6049004_3232.html
Faire des Landes de Gascogne une forêt séculaire ou une forêt salutaire ayant pris la place de marais insalubres invivables relève donc d’un mythe contemporain oublieux de la véritable histoire des Landes de Gascogne. Et en période d’urgence écologique, on ne saurait construire l’avenir sur des mythes.
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