Débat public - Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
#debatPNGMDR Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
Q84 • Gestion des déchets nucléaires et recyclage
Réponse publiée
Bonjour,
Le projet d'enfouissement des déchets ne prévoit pas une possible récupération de ces derniers.
Or, il me semble que, dans le cadre du développement des centrales nucléaires à neutrons rapides (ASTRID), il serait possible de retraiter une partie de ces déchets, et de diminuer la durée leur durée de vie.
- Pourquoi ne pas prévoir une possible extraction des déchets pour les retraiter dans le futur?
- Pourquoi le projet de centrales nucléaires à neutrons rapides (ASTRID) a t-il été abandonné? Alors qu'il offre un vrai début de solution pour retraiter les déchets?
Merci pour vos éclaircissements.
Réponse officielle :
Bonjour,
1- La réversibilité du projet de stockage géologique profond, Cigéo
La récupération des colis est bien prévue dans le cadre du projet de stockage géologique profond, Cigéo et est inscrite dans la loi.
La solution du stockage géologique profond a été retenue par loi du 28 juin 2006 comme solution de référence pour la gestion des déchets HA/MA-VL. Dans ce cadre, le Parlement a demandé notamment que le futur site de stockage profond soit réversible pendant 100 ans, afin de garantir le libre choix des générations futures quant au devenir du stockage.
Le principe de réversibilité est défini comme : « la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l'exploitation des tranches successives d'un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion ». Cet article est codifié dans le Code de l’environnement à l’article L.542-10-1. Cette notion de réversibilité a été précisée suite au débat public de 2013, dans ce même article : « Elle inclut la possibilité de récupérer des colis de déchets déjà stockés selon des modalités et pendant une durée cohérente avec la stratégie d'exploitation et de fermeture du stockage. ».
Cette possibilité offerte aux générations futures ne préjuge pas des raisons pour lesquelles celles-ci en ferait usage, ni du devenir qu’elles voudraient donner aux colis récupérés s’il en était ainsi. Un tel principe se justifie néanmoins car, au regard de la durée d’exploitation du stockage, il ne peut être exclu que les techniques évoluent et offrent de nouvelles possibilités de gestion des déchets.
Au regard des enjeux qu’il revêt, la définition des modalités opérationnelles de mise en œuvre du principe de réversibilité faisait partie des enjeux identifiés par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire et l’ASN pour le débat public sur le PNGMDR.
2- La capacité des réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides dans la gestion des matières et déchets radioactifs et leur futur
La stratégie de monorecyclage du combustible usé UNE actuellement mise en œuvre en France a été confirmée par la PPE 2019-2028 ; elle s’inscrit dans une perspective à long terme de fermeture complète du « cycle du combustible » avec la mise en œuvre du multirecyclage des combustibles usés dans des réacteurs à neutrons rapides (RNR), incluant le recyclage des combustibles usés URE et MOX actuellement entreposés. Outre les gains sur le plan de la gestion des déchets exposés ci-après, le multirecyclage en RNR permettrait d’être indépendant énergétiquement vis-à-vis de l’uranium naturel.
Dans cette perspective et dans le cadre de la loi sur la gestion des matières et des déchets radioactifs de 2006, il a été confié au CEA en 2010 la réalisation d’études de conception d’un projet de démonstrateur technologique de RNR refroidi au sodium, nommé ASTRID dont la phase d’avant-projet détaillé se terminera fin 2019.
Du point de vue du traitement des déchets, les RNR, en cas de déploiement de ceux-ci, pourraient dans une certaine mesure transmuter certains actinides mineurs. La recherche réalisée depuis plus de 20 ans dans le cadre de la loi de 1991, puis de celle de 2006, tend toutefois à montrer que ces réacteurs ne permettraient pas de modifier profondément la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue. En effet, un parc composé entièrement de tels réacteurs associé à la mise en service industrielle de la transmutation permettrait sans doute de réduire l’emprise d’un stockage des déchets de haute activité à vie longue mais ne pourrait se substituer à lui. Par ailleurs, si la transmutation des actinides mineurs permettrait de réduire l’emprise d’un stockage, elle ne réduirait que peu son impact radiologique : les actinides mineurs, tout comme le plutonium, ont certes une radiotoxicité à long terme plus importante que celle des produits de fission, mais une aptitude bien moindre à migrer dans l’argile, et ainsi se répandre dans l’environnement. Par ailleurs, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) considère également que la transmutation n'apporte pas un gain probant pour la sûreté de la gestion des déchets radioactifs les plus dangereux. Il a observé en particulier qu’une stratégie de transmutation imposerait de multiplier par un facteur de 5 à 10 la quantité d’actinides mineurs manipulée dans le cycle (même si leur quantité diminue dans les déchets), induisant des contraintes importantes de sûreté et de radioprotection.
Enfin, le CEA[1] a réalisé des inventaires prospectifs entre 2016 et 2100 des matières et déchets radioactifs qui seraient produits par le parc électronucléaire français selon différents scénarios de gestion des matières uranium et plutonium issues du retraitement des combustibles usés. Il a ainsi modélisé notamment les flux de matières et de déchets dans le cas d’un recyclage avec déploiement progressif des RNR. Ces études montrent que les réacteurs à neutrons rapides ne seraient pas exempts de création de nouveaux déchets HA. En effet, si le déploiement des réacteurs à neutrons rapides pourrait permettre une valorisation du plutonium et une certaine minimisation de la production d’actinides mineurs (américium), elle n’empêcherait pas la production de nouveaux produits de fissions, qui sont des déchets ultimes HA.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le déploiement de RNR ne permettrait pas de se passer d’une solution de stockage géologique profond.
Au regard de ce constat, et dans la mesure où les ressources en uranium naturel sont abondantes et disponibles à bas prix, au moins jusqu’à la deuxième moitié du 21ème siècle, le besoin d’un démonstrateur et le déploiement de RNR ne sont pas utiles avant cet horizon. C’est pourquoi la recherche sur les réacteurs de quatrième génération s’inscrit désormais dans un programme de R&D dimensionné en vue de garantir le maintien d’un socle de compétences minimal permettant de conserver la possibilité de créer un démonstrateur à l’horizon de la deuxième moitié du 21ème siècle.
Les maîtres d'ouvrage.
[1] Article 51 de l’arrêté du 23 février 2017 pris en application des prescriptions de l’édition 2016-2018 du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR)
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