Débat public - Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
#debatPNGMDR Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
Q86 • Pourquoi de pas généraliser le recyclage de TFA inoffensifs pour la santé
Réponse publiée
Les déchets TFA : le problème n’est-il pas un manque de courage
Le diagnostic est clair :
- On sature très rapidement le seul site de stockage (2025/2030 sauf extension de capacité)
- 30% à 50% de ces déchets ont une activité infime ou nulle (cela veut dire très inférieure à la radioactivité naturelle, qui a pourtant les mêmes effets). La radioactivité naturelle en France est ainsi 200 à 300 fois supérieure à celle recommandée par la commission européenne pour établir un seuil. Les doses naturelles peuvent être encore 2 à 10 fois supérieures selon la nature des sols, l’altitude, … . Est-ce raisonnable de fixer des niveaux si bas, qui font des contrôles un travail d’orfèvre, coûteux et sans réel bénéfice sanitaire.
- En France on bloque tout (sauf une quantité infime de ferraille). Pourquoi ? Une Autorité de sûreté frileuse, qui conduit à un manque de courage politique.
Une question qui va devenir cruciale : le rythme des démantèlements va s’accélérer et l’ASN semble s’engager vers une pression très forte pour des démantèlements rapides. C’est une montagne de déchets inactifs et recyclables qui s’annonce (essentiellement bétons et ferraille, mais aussi matériels décontaminables). Or le pouvoir politique, tétanisé devant des ONG mondialistes et totalisantes qui cultivent la peur (l'heuristique de la peur de Hans Jonas, créateur du principe de précaution), est devenu incapable de lancer de nouveaux projets.
Il est urgent d’agir, soit par un seuil de libération raisonnable, soit en bénéficiant au mieux de la notion, bien établie en France, de zonage des installations et de mémorisation de leurs histoires.
Le pire serait le maintien d’un non-recyclage, pourtant non vertueux globalement, et une décision de l’ASN obligeant chaque site nucléaire à stocker sur place ses déchets TFA, quel qu’en soit le coût et l’impact psychologique sur les populations voisines. Mais n’est-ce pas ce que l’ASN pourrait décider, reportant ainsi tout le poids d’une mauvaise politique sur les exploitants. C’est pourtant bien l’Andra qui doit rester en charge de ce qui n’est pas recyclable.
Pourquoi ne pas libérer beaucoup plus les déchets « inactifs » sur la base du zonage et avec de simples contrôles par sondages, rapides et supportables économiquement. Pourquoi ne pas expliquer clairement aux français la réalité du risque radiologique naturel, sans commune mesure avec celui de déchets recyclables quasi-inactifs ou, pour la plus grande part, inactifs.
Réponse officielle :
Bonjour,
La question de l’optimisation de la gestion des déchets TFA est étudiée depuis plusieurs années dans le cadre des PNGMDR qui se sont succédés.
La dernière édition du PNGMDR (2016-2018) a ainsi recommandé de poursuivre les travaux d’optimisation de la gestion des déchets TFA. Les prescriptions à destination des acteurs de la gestion des déchets radioactifs en France sur les sujets évoqués dans votre question sont décrites ci-après.
· Sur le traitement des déchets : l’article 24 de l’arrêté du 23 février 2017 demande à EDF et Orano de présenter les options techniques et de sûreté d’une installation de traitement de leurs grands lots homogènes de matériaux métalliques TFA, avec une description des filières de gestion associées, qui doivent prioritairement être recherchées dans la filière nucléaire. L’étude est consultable sur le site internet de l’ASN. Le scénario de référence décrit dans cette étude mentionne la fusion puis le recyclage de 204 000 tonnes d’aciers provenant d’installations nucléaires.
· Sur les perspectives concernant le Cires, seul site de stockage actuel des déchets TFA : l’article 29 de l’arrêté du 23 février 2017 demande à l'Andra de déposer au moins six ans avant la saturation prévue de cette installation les conditions d'augmentation de sa capacité volumique et radiologique. L’ASN a estimé, dans son avis du 18 février 2016, qu’une deuxième installation de stockage sera quoi qu’il en soit nécessaire pour assurer le stockage des déchets TFA qui seront produits. En effet, le Cires sera saturé à l’horizon 2028 dans les conditions actuelles de stockage ou à l’horizon 2038 en optimisant la conception des alvéoles de stockage, et le démantèlement du parc nucléaire actuel va produire dans les années qui viennent des quantités importantes de déchets TFA.
· Sur la diversification des solutions de stockage : l’article 26 de l’arrêté du 23 février 2017 demande aux producteurs de déchets, en lien avec l’Andra, d’étudier avant juin 2020 la faisabilité de créer, sur ou à proximité de leurs sites respectifs, des installations de stockage adaptées à certaines typologies de déchets TFA. Il convient de noter que cette solution serait destinée à des déchets dont les caractéristiques permettraient d'envisager, dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l'environnement, un stockage dans des installations dédiées autres que le CIRES, dans des conditions technico-économiques acceptables.
Concernant les seuils de libération, les valeurs définies par la Commission européenne sont dérivées d’une méthode dont l’objectif est de garantir qu’une matière respectant les valeurs de libération ne peut pas générer d’exposition significative quelles que soient les circonstances envisageables. La valeur de référence retenue est de 10 μSv/an. Elle correspond alors à une augmentation du risque (cancer et effets héréditaires) inférieure à un cas pour un million de personnes et par an. De plus, la valeur seuil retenue pour chaque radionucléide est déterminée sur la base du scénario d’exposition qui conduit à la dose la plus élevée.
L’IRSN juge que sur le plan théorique, cette démarche constitue une démonstration robuste et convaincante de la pertinence des valeurs de libération. Vous semblez, de votre côté, considérer que de tels niveaux ne seraient pas raisonnables, et conduiraient à « un travail d’orfèvre, coûteux et sans réel bénéfice sanitaire. » Nous appelons votre attention sur le fait que le choix d’une gestion des déchets radioactifs par zonage permet de limiter les contrôles pour les déchets TFA, car reposant sur la définition a priori des zones pour lesquels les déchets sont considérés a priori comme radioactifs.
En pratique, la déclinaison du concept de libération peut présenter des risques et inconvénients. Dans son avis du 18 février 2016, l’ASN souligne notamment que le public pourrait être exposé au contact de déchets d’activité significative dans le cas d’une défaillance, toujours possible, du contrôle. De plus, les mesures préalables à la libération seraient complexes et longues, tout particulièrement dans le cas de grandes quantités de matériaux, en vrac ou contaminés par de nombreux radionucléides. En outre, une mise en place de seuils de libération pourrait inciter au recours à la dilution, pratique difficilement détectable. L’ASN considère ainsi que la mise en place généralisée de seuils de libération est incompatible avec le principe actuel de gestion des déchets TFA par « zonage ».
L’ASN fonde ses avis dans le respect des principes fondamentaux de la sûreté nucléaire et de la protection, par exemple :
· le principe d’optimisation, défini par l’article L. 1333-2 du code de la santé publique[1]. L’application de ce principe oblige à limiter aussi faiblement que raisonnablement possible l’impact de la radioactivité artificielle provenant des activités nucléaires, alors que l’impact de la radioactivité naturelle ne provenant pas d’activités nucléaires peut être difficilement limité.
· le principe de précaution, défini à l’article 5 de la Charte de l’environnement[2]. Vous semblez, dans votre question, remettre en cause ce principe.
L’évolution des modalités de gestion actuelles, vis-à-vis de l’importance des volumes de déchets TFA attendus lors du démantèlement du parc nucléaire, constitue un des cinq grands enjeux du débat considérés dans le Dossier du maître d’ouvrage. Le maître d’ouvrage prendra en compte le retour du public pour élaborer la cinquième édition du PNGMDR.
Par ailleurs, votre question mélange plusieurs concepts. À titre d’illustration, vous indiquez que l’ASN « semble s’engager vers une pression très forte pour des démantèlements rapides ». Pour votre information, le démantèlement dans des délais aussi brefs que possible est une exigence législative, fixée par le parlement.
Les maîtres d'ouvrages.
[1] Cet article dispose que : « Le niveau de l’exposition des personnes aux rayonnements ionisants […], la probabilité de la survenue de cette exposition et le nombre de personnes exposées doivent être maintenus au niveau le plus faible qu’il est raisonnablement possible d’atteindre, compte tenu de l’état des connaissances techniques, des facteurs économiques et sociétaux et, le cas échéant, de l’objectif médical recherché ».
[2] Cet article dispose que : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
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