Débat public - Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
#debatPNGMDR Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
Q41 • Scénarios de déploiement du PNGMDR et coûts associés.
Réponse publiée
Les déploiements des systèmes de production d’électricité sont étudiés sous l’aspect financier avec le LCOE (capital et coûts opérationnels). Des scénarios étudient le coût complet de l’électricité de différentes filières en intégrant coûts des unités de production, réseau et systèmes de stockage, tel que l’ADEME le propose https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/evolution-mix-electrique-horizon-2020-2060-010655.pdf
Des externalités ne sont pas considérées dans le coût total de l’électricité nucléaire : extraction du minerai (scandale UraMin 3 milliards € et plus avec l’affaire en cours impliquant le premier ministre), le grand carénage et le démantèlement sous-évalués (Cours des Comptes, expérience de Brennilis et Superphénix), coûts du retraitement et stockage des déchets.
Pour clarifier une partie des chiffres de la filière nucléaire, merci de préciser quels sont les hypothèses faites pour les scénarios de déploiement du PNGMDR, ainsi que les coûts associés.
Réponse officielle :
Bonjour,
Les coûts du nucléaire
Il convient de rappeler en préambule que la notion de coût d’une activité économique est une notion normative, et qu’il convient en conséquence de bien préciser, lorsqu’on fait référence à de telles notions, le périmètre et les méthodes considérées pour le calculer.
La Cour des Comptes, dans un rapport de 2014[1], a ainsi évalué le coût de production du nucléaire existant à 61,6 €2012/MWh en raisonnant en termes de coût complet économique ; dans un tel calcul, l’ensemble des dépenses de fonctionnement et de fin de vie des réacteurs est pris en compte (y compris coût de démantèlement et de gestion des déchets), de même que l’investissement initial amorti et rémunéré sur l’ensemble de la durée de vie du parc.
L’extraction du minerai
L’extraction du minerai d’uranium intervient de manière marginale dans le coût du MWh d’électricité. A titre d’illustration, la dernière analyse de la Cour des comptes sur les coûts de production de l’électricité nucléaire de 2014 estimait qu’en 2012 le coût du combustible nucléaire représentait 3,93€/MWh pour un coût total de production de 61,6€/MWh, soit 6,38%.
Le coût du combustible intègre lui-même non seulement les coûts d’extraction du minerai mais également les coûts de conversion, d’enrichissement et de fabrication des assemblages.
La prise en compte des charges de démantèlement et la gestion des combustibles usés et déchets radioactifs
Tous les exploitants nucléaires sont tenus de constituer des provisions pour leurs charges nucléaires de long terme, c'est-à-dire les charges de démantèlement et celles de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.
Pour garantir le financement de ces charges, la loi les oblige également à sécuriser leur financement par la constitution d’un portefeuille d’actifs dédiés devant couvrir à 100 % le montant des provisions à l'exception des provisions considérées comme liées au cycle d'exploitation. De plus, les exploitants ont une obligation de dotation aux actifs de couverture lorsqu’une modification de la méthode d’évaluation des passifs conduit à dégrader la couverture, tant que la valeur de réalisation des actifs est inférieure à 110 %.
Ces actifs dédiés au financement des charges nucléaires de long terme sont inscrits au bilan de l’exploitant et gérés par lui (fonds internes), mais sont légalement séparés du reste du bilan (cantonnement légal) : ils ne peuvent être utilisés que pour le règlement des charges nucléaires de long terme, même en cas de difficultés financières de l’exploitant. De plus, les actifs dédiés doivent présenter des niveaux :
- de sécurité et de diversification définis réglementairement ;
- de liquidité appropriée au regard de l’échéancier des dépenses ;
- et de rendement suffisants pour couvrir les charges de désactualisation des provisions[2].
Pour plus de détails sur le financement des charges nucléaires de long terme, ce sujet fait l’objet d’une fiche dédiée, jointe au dossier du maître d’ouvrage de ce débat public, dans le document nommé « Approfondir ses connaissances » (fiche n° 4)[3].
Les coûts du démantèlement et de gestion des déchets radioactifs et des combustibles usés sont-ils sous-évalués ?
La loi exige des exploitants d’évaluer de manière prudente leur charges nucléaires de long terme (article L. 594-1 du code de l’environnement). Plus précisément, l’article 2 du décret n° 2007-243 du 23 février 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires exige de retenir des scénarios prudents et de prendre en compte des marges de prudence appropriées. De plus, les exploitants doivent prendre en compte le retour d’expérience disponible afin d’améliorer leurs chiffrages. L’estimation de ces charges est néanmoins un exercice délicat, compte tenu de l’éloignement des dépenses dans le temps, du retour d’expérience relativement limité pour certaines opérations ainsi que des perspectives d’évolution des techniques.
Les hypothèses prises pour le calcul de l’évaluation des charges nucléaires de long terme et des provisions correspondantes sont les suivantes :
- Installations prises en compte : l’ensemble des installations qui ont été mises en service, qu’elles soient en fonctionnement ou déjà arrêtées. Aussi, à titre d’exemple, l’EPR de Flamanville 3 est exclu du champ de cette évaluation (les charges correspondantes seront à prendre en compte à la mise en service) ;
- Durée de vie des réacteurs : arrêt des réacteurs du palier 900 MWe (hors Fessenheim) à l’échéance de leurs cinquièmes visite décennale, arrêt des réacteurs des autres paliers à l’échéance de leurs quatrièmes visites décennales et arrêt de la centrale de Fessenheim à brève échéance ;
- Combustibles usés pris en compte : combustibles usés déjà produits et combustibles en cours d’irradiation dans les réacteurs ;
- Modalités de gestion des combustibles usés : retraitement des combustibles UNE usés, avec valorisation de l’URT et du plutonium, et stockage des combustibles MOX usés, valorisation après une période d’entreposage sous eau ;
- Déchets radioactifs : déchets déjà produits (y compris les déchets anciens pour lesquels des opérations de reprise et de conditionnement sont exigées), déchets à produire lors des démantèlements et des opérations de gestion des combustibles usés) ;
- S’agissant de l’estimation du coût du projet Cigéo, l’objectif de coût, qui a été fixé à 25 milliards d’euros aux conditions économiques du 31 décembre 2011, est pris en compte.
Au 31/12/2017, ces coûts sont estimés à environ 121,2 Mds€2017 décomposés en 47,7 Mds€2017 pour les démantèlements, 24,9 Mds€2017 pour la gestion des combustibles usés et 48,6 Mds€2017 pour la gestion des déchets radioactifs. Leur décomposition est présentée de manière plus détaillée dans le document nommé « Approfondir ses connaissances » (fiche n° 4)[4].
Cette évaluation a augmenté ces dernières années. À titre d’exemple, dans le PNGMDR 2016-2018, ces montants étaient estimés à 110,5 Mds€2015 décomposés en 45,0 Mds€2015 pour les démantèlements, 22,0 Mds€2015 pour la gestion des combustibles usés et 43,6 Mds€2015 pour la gestion des déchets radioactifs.
Une partie de ces évolutions résulte de la consommation de combustibles, de la mise en service d’installations nouvelles. Ces évolutions résultent également des modifications du coût des opérations de démantèlement et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs. Ces modifications sont le reflet de la levée progressive des incertitudes, grâce à une meilleure connaissance du périmètre des charges et des techniques à mobiliser, et aux efforts entrepris pour obtenir des chiffrages plus réalistes. Néanmoins, aussi récentes soient-elles, ces évaluations dépendent des connaissances disponibles, à date.
S’agissant des coûts de démantèlement des installations arrêtées, les augmentations importantes de coûts qui ont pu être constatées peuvent en particulier être imputées à l’amélioration des connaissances nécessaires pour réaliser des estimations pertinentes, au fait que les premières installations n’ont pas été conçues de manière à optimiser leur démantèlement et au caractère unique de la majorité d’entre elles.
En se référant aux calculs de la Cour des comptes conduisant à un coût CCE (cout courant économique) global de 61,6 €/MWh, le coût de la gestion des déchets radioactifs et des combustibles usés représenterait environ 3,6 €/MWh et le coût des démantèlements représenterait environ 1,0 €/MWh.
Quels impacts sur les coûts auraient la mise en œuvre de tel ou tel scénario, scénarios inscrits dans le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) et le Dossier du Maître d’ouvrage ?
Le Dossier du maître d’ouvrage, réalisé pour servir de base au débat public PNGMDR, intègre les données du dernier inventaire national réalisé par l’Andra en 2018. Ce dernier intègre des données prospectives dont l’objectif est de donner une estimation des quantités de matières et de déchets radioactifs à différentes échéances de temps selon plusieurs scénarios. Ils visent à présenter les impacts sur les quantités de matières et de déchets radioactifs de différentes stratégies ou évolutions possibles de la politique énergétique française à long terme, sans présager des choix industriels qui pourraient être faits[5].
Ainsi, les inventaires prospectifs ont été réalisés selon quatre scénarios contrastés d’évolution de la politique énergétique actuelle : trois scénarios de renouvellement du parc électronucléaire français actuel et un scénario de non-renouvellement avec différents scénarios de retraitement (en fonction de la part des combustibles retraités (un scénario envisage l’arrêt du retraitement)). Ces scénarios sont explicités dans le dossier du maitre d’ouvrage.
Si à ce stade, la comparaison économique exhaustive de ces scénarios n’a pas été réalisée, cette question est intimement liée à l’estimation du coût de Cigéo. En effet, les différents scénarios du DMO diffèrent essentiellement par leurs productions de déchets de haute activité (HA) et donc par le volume de déchets destinés à Cigéo.
Cigéo est conçu pour pouvoir s’adapter aux différents scénarios de politique énergétique (et de surcroît s’adapter aux scénarios évoqués ci-avant). Dans cet objectif, l’inventaire des déchets de Cigéo est divisé en deux ensembles : un inventaire de référence et un inventaire de réserve qui « prend en compte les incertitudes liées notamment à la mise en place de nouvelles filières de gestion de déchets ou à des évolutions de politique énergétique »[6].
Un objectif de coût de 25 milliards d’euros a été fixé pour le projet Cigéo, sur la base de l’inventaire de référence, aux conditions économiques du 31 décembre 2011, par l’arrêté du 15 janvier 2016[7]. Cette estimation s’inscrit dans un contexte nécessairement incertain d’évaluation de coûts jusqu’en 2050 environ.
La réglementation prévoit qu’une actualisation régulière du coût de Cigéo soit réalisée, a minima aux étapes clés du développement du projet (autorisation de création, mise en service, fin de la « phase industrielle pilote », réexamens de sûreté). Conformément aux dispositions de l’article D. 542-94 du code l’environnement, la prochaine réévaluation du coût de Cigéo devra être accompagnée de l'évaluation du coût du stockage des déchets de l'inventaire de réserve, ce qui renforcera son caractère prudentiel. La prochaine estimation de ce coût est envisagée à l’horizon de la Demande d’autorisation de création DAC de Cigéo.
Le chiffrage du coût de l’inventaire de réserve permettra, ainsi, de couvrir ces différentes variantes.
Les Maîtres d'ouvrage.
[1] Rapport sur « Le coût de production de l’électricité nucléaire » publié en mai 2014 et rapport sur « La maintenance des centrales nucléaires : une politique remise à niveau, des incertitudes à lever » publié en février 2016.
[2] Les dépenses pouvant être très éloignées dans le temps, les exploitants, en conformité avec les normes comptables, estiment leur provision comme étant la somme actualisée dans le temps de ces dépenses. Le taux d’actualisation utilisé est encadré réglementairement.
[3] Consultable sur le site internet de la CPDP : https://pngmdr.debatpublic.fr/approfondir/la-bibliotheque-du-debat/approfondir-ses-connaissances/viewdocument
[4] Consultable sur le site internet de la CPDP : https://pngmdr.debatpublic.fr/approfondir/la-bibliotheque-du-debat/approfondir-ses-connaissances/viewdocument
[5] Les estimations des quantités de matières et déchets radioactifs qui seraient produites par un nouveau parc électronucléaire ont fait l’objet d’une étude menée par le CEA dans le cadre du PNGMDR 2016-2018.
[6] Article D.542-90 du code de l’environnement : « L’inventaire à retenir par l’Andra pour les études et recherches conduites en vue de concevoir le centre de stockage prévu à l’article L.542-10-1 du CE comprend un inventaire de référence et un inventaire de réserve.
- L’inventaire de réserve prend en compte les incertitudes liées notamment à la mise en place de nouvelles filières de gestion de déchets ou à des évolutions de politique énergétique.
- Le centre de stockage est conçu pour accueillir les déchets de l’inventaire de référence. »
[7] Arrêté du 15 janvier 2016 relatif au coût afférent à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue
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