Débat public - Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
#debatPNGMDR Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
Q63 • Sémantique dévoyée
Réponse publiée
"- Qui peut sérieusement défendre que l’appellation « surveillance passive » [sic] après le scellement des galeries peut encore se nommer surveillance ? N’y a-t-il pas là un abus de langage révélateur d’une tromperie intellectuelle condamnable ?
- Qui peut me dire si l'Académie française a été sollicitée pour faire admettre que le mot « réversibilité », ait depuis 2006, une définition liée à une date limite, en l’occurrence fixée à cent ans ? La réversibilité avec une date de péremption, la connaît-on autre part que dans le nucléaire ?
- Qui peut me dire comment peut-on se satisfaire intellectuellement d’avoir remplacé « générations futures » par « civilisations futures » : une autre manière de se rassurer à bon copte par éléments factices de langage, révélateurs d’une horrible vacuité intellectuelle et éthique ?
Réponse officielle :
Bonjour,
1/ Concernant la « surveillance passive »
Il convient de différencier les notions de « surveillance » et de « sûreté passive ». Dans le cadre du projet de stockage géologique profond des déchets les plus radioactifs, dès 2008, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a prôné une « sûreté passive » de ces déchets, et ce, sans surveillance. Le guide de sûreté, publié par l’ASN en 2008[1], stipule ainsi qu’« après la fermeture de l’installation de stockage, la protection de la santé des personnes et de l’environnement ne doit pas dépendre d’une surveillance ou d’un contrôle institutionnel qui ne peuvent pas être maintenus de façon certaine au-delà d’une période limitée. ». Dans ce guide, l’ASN précise également que : « le milieu géologique est choisi et l’installation de stockage est conçue de telle sorte que sa sûreté après fermeture soit assurée de façon passive afin de protéger les personnes et l’environnement des substances radioactives et des toxiques chimiques contenus dans les déchets radioactifs, sans qu’il soit nécessaire d’intervenir. »
L’Arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base dispose en son article 8.5.1 que « la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du code de l'environnement soit assurée de façon passive vis-à-vis des risques présentés par les substances radioactives ou toxiques contenues dans les déchets radioactifs après le passage en phase de surveillance. Cette protection ne doit pas nécessiter d'intervention au-delà d'une période de surveillance limitée, déterminée en fonction des déchets radioactifs stockés et du type de stockage. L'exploitant justifie que la conception retenue répond à ces objectifs et justifie sa faisabilité technique. »
Ainsi, le Dossier d’options de sûreté[2] du projet de stockage réversible profond Cigéo, déposé par l’Andra en 2016, tient compte de ces exigences : « Après sa fermeture définitive, Cigéo vise à isoler les déchets de l’homme et de la biosphère et à les confiner dans une formation géologique profonde pour s’opposer à la dissémination des radionucléides qu’ils contiennent. Ces fonctionnalités s’effectuent sur de grandes échelles de temps (jusqu’à plusieurs centaines de milliers d'années), de manière passive, c’est-à-dire sans nécessiter de maintenance ou de surveillance ». « Pour répondre à l’objectif fondamental de protéger l’homme et l’environnement des déchets radioactifs sur de très longues échelles de temps de manière passive sans nécessiter d’actions humaines, une fois Cigéo ayant eu l’autorisation d’être fermé définitivement, l’ensemble de l’installation souterraine aura été remblayé, les ouvrages de fermeture auront été mis en place dans les galeries et dans les liaisons surface-fond, les installations de surface auront été démantelées ».
S’agissant de la surveillance, la notion de surveillance passive n’a été utilisée que dans le cadre de la surveillance du Centre de stockage de la Manche (CSM) actuellement en phase de fermeture. Cette notion étant entendue comme une surveillance de moins en moins active du site. Dans le cadre de la surveillance des autres centres de stockage, cette notion n’a jamais été utilisée. L’Andra, l’Agence nationale des déchets radioactifs n’emploi plus cette expression, car elle est, comme vous le soulignez à juste titre, impropre.
En effet, la surveillance ne peut être associée à une notion de « passivité ». La surveillance nécessitant la mise en œuvre de moyens actifs. La stratégie de la surveillance après la fermeture de Cigéo devra être précisée dans le cadre de la demande d’autorisation de création (rapport de sûreté).
2/ Concernant la définition de « réversibilité » et de sa date limite
Selon l’académie française, réversible signifie « qui peut revenir à un état antérieur, peut s’annuler ; se dit en particulier d’un processus, d’une réaction, etc. dont le déroulement peut s’inverser dès lors que leur cause disparaît. ». Cette définition de la réversibilité n’inclut pas de notion de temporalité. Rien n’exclut donc que la réversibilité puisse être effective sur un temps donné et limité.
Le principe de réversibilité appliqué au stockage profond
La solution du stockage géologique profond a été retenue par loi du 28 juin 2006 comme solution de référence pour la gestion des déchets de haute et de moyenne activité à vie longue suite au bilan de plus de 15 années de recherche et au débat public de 2005 qui ont fait émerger deux stratégies alternatives possibles pour la gestion de ces déchets : le choix du stockage souterrain comme solution de référence ou la poursuite des études à la fois sur le stockage et sur l’entreposage de subsurface[3]. Dans ce cadre, le gouvernement a proposé notamment que le futur site de stockage profond soit réversible pendant au minimum 100 ans[4], afin de garantir le libre choix des générations futures quant au devenir du stockage.
Le principe de réversibilité est défini comme : « la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l'exploitation des tranches successives d'un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion ». Cet article est codifié dans le Code de l’environnement à l’article L.542-10-1.
Cette notion de réversibilité est précisée dans ce même article : « La réversibilité est mise en œuvre par la progressivité de la construction, l'adaptabilité de la conception et la flexibilité d'exploitation d'un stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs permettant d'intégrer le progrès technologique et de s'adapter aux évolutions possibles de l'inventaire des déchets consécutives notamment à une évolution de la politique énergétique. Elle inclut la possibilité de récupérer des colis de déchets déjà stockés selon des modalités et pendant une durée cohérente avec la stratégie d'exploitation et de fermeture du stockage. ».
3/ Concernant l’utilisation de « générations futures » ou de « civilisations futures »
L’article L.542-1 du Code de l’environnement emploi le terme de « générations futures ». L’article L542-10-1 du même Code préfère employer les termes de « générations successives».
Le Dossier du maître d’ouvrage, en fait tout autant, et emploi les termes « générations futures » ou « générations actuelles ».
Les Maîtres d'ouvrage.
[1] Guide de sûreté relatif au stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde, ASN, 12/02/2008
[2] DOSSIER D’OPTIONS DE SÛRETÉ PARTIE APRÈS FERMETURE (DOS-AF), Andra, 08/04/2016
[3] Pour plus de précisions, voir la fiche n°3 du cahier « Approfondir ses connaissances » consultable sur le site internet du débat
[4] Article L542-10-1 du Code de l’environnement: « lors de l'examen de la demande d'autorisation de création, la sûreté du centre est appréciée au regard des différentes étapes de sa gestion, y compris sa fermeture définitive. Seule une loi peut autoriser celle-ci. L'autorisation fixe la durée minimale pendant laquelle, à titre de précaution, la réversibilité du stockage doit être assurée. Cette durée ne peut être inférieure à cent ans. L'autorisation de création du centre est délivrée par décret en Conseil d'Etat, pris selon les modalités définies à l'article L. 593-8, sous réserve que le projet respecte les conditions fixées au présent article». « Elle inclut la possibilité de récupérer des colis de déchets déjà stockés selon des modalités et pendant une durée cohérente avec la stratégie d'exploitation et de fermeture du stockage. »
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