Débat public - Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
#debatPNGMDR Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
Q66 • Quels retours d'expériences étrangères sur l'enfouissement profond ?
Réponse publiée
La France n'est pas seule à avoir développé l'énergie nucléaire et cette filière existe dans plusieurs autres pays, depuis plus d'un demi-siècle.
Dès lors, pour la gestion des déchets hautement actifs et à vie longue :
- quelles solutions ont été expérimentées ailleurs dans le monde ?
- quels retours d'expérience en ont-ils été tirés à ce jour ?
- l'enfouissement profond en projet en France est-il déjà et toujours opérationnel ou a-t-il été abandonné dans ces pays ?
Cet éclairage me semble nécessaire au débat.
Merci d'avance
Réponse officielle :
Bonjour,
Si aucun stockage géologique profond n’est opérationnel dans le monde aujourd’hui, un grand nombre de pays s’oriente vers cette option. Ces pays sont à des stades très différents du processus de sélection du site et construction du centre.
La Finlande a, ainsi, obtenu son autorisation de construction en 2015 et a déjà réalisé des opérations de creusement. La mise en service du stockage géologique profond est prévue pour 2020. La Suède a déposé une demande d’autorisation de construction en 2011, et la mise en service du stockage est prévue pour 2025.
Sept États sont actuellement à la recherche d’un site de stockage : la Chine, le Canada et la Suisse ont identifiés des sites potentiels tandis que l’Inde, le Japon, le Royaume-Uni et l’Allemagne rencontrent des difficultés dans leur recherche de site. La Belgique, quant à elle, réalise des recherches sur le stockage géologique profond sans rechercher de site pour le moment. Les Pays-Bas ont construit un entreposage pour une longue durée (de l’ordre d’un siècle), le stockage géologique devant être étudié d’ici là. Certains ont déjà fixé des échéances pour la mise en service de leurs stockages. Le Royaume-Uni souhaite ainsi un début d’exploitation dès 2029, l’Allemagne et la Chine ont fixé une échéance au-delà de 2040.
Par ailleurs, la directive européenne 2011/70/Euratom du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs rappelle que « il est communément admis que sur le plan technique, le stockage en couche géologique profonde constitue, actuellement, la solution la plus sûre et la plus durable en tant qu’étape finale de la gestion des déchets de haute activité et du combustible usé considéré comme déchet ». Un guide de l’AIEA établit des recommandations en matière de conception d’un stockage géologique de déchets radioactifs. Les instances internationales ont également identifié le stockage géologique profond comme « le mode de gestion le plus approprié pour les déchets de haute-activité » (selon l’Agence de l’énergie atomique de l’OCDE). L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) indique quant à elle que « la sûreté du stockage géologique est largement acceptée dans la communauté technique ».
Pour plus d’informations sur l’état des recherches, études et projets sur le stockage géologique profond de déchets radioactifs à l’international, nous vous invitons à lire la fiche n°20 du livret « approfondir ses connaissances » au sein du Dossier du maître d’ouvrage, en consultation sur le site internet de la CPDP dédié au présent débat public.
Dans le cadre du présent débat public relatif au Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2019-2021 (PNGMDR 2019-2021), l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a par ailleurs mené, sur demande de la commission nationale du débat public, une expertise relative au panorama international des recherches sur les alternatives au stockage géologique des déchets de haute et moyenne (dont le rapport est disponible sur le site internet de la CPDP dédié au débat public, vous pouvez en prendre connaissance ici). Ce rapport a été présenté lors d’une des rencontres du présent débat public, qui s’est déroulée à Bar-le-Duc, le 20 juin dernier.
Différentes alternatives au stockage géologique ont été explorées depuis les années 1950 et seules trois pistes font toujours l’objet de réflexions aujourd’hui : l’entreposage, la séparation-transmutation et le stockage en forage. Le statut et la nature des travaux menés sur ces trois alternatives diffèrent fortement de l’une à l’autre.
L’entreposage longue durée (ELD) désigne « l’opération consistant à placer [des déchets] à titre temporaire dans une installation spécialement aménagée en surface ou en faible profondeur à cet effet ». Il a été exploré dans plusieurs pays tels que le Royaume-Uni, la Suisse et le Canada jusqu’au milieu des années 2000. Le Royaume-Uni[1] et la Suisse[2] ont finalement privilégié le stockage géologique profond au détriment de l’entreposage tandis que le Canada a adopté une option de « gestion adaptative progressive » qui comprend trois phases successives : un entreposage de 30 ans, un programme de recherche de site incluant la construction d’un laboratoire souterrain afin de décider (ou non) de construire une installation souterraine d’entreposage centralisé à faible profondeur.
Les Pays-Bas et l’Italie, sans pour autant exclure l’option d’un stockage géologique, envisagent de mettre en place un ELD, voire un entreposage pérenne, en attendant de disposer d’une meilleure visibilité sur le futur de l'énergie nucléaire ou sur le développement de techniques de traitement permettant de réduire la nocivité des déchets et de modifier les contraintes associées à leur gestion à long terme.
Aux États-Unis, l’entreposage des combustibles usés sur le site du réacteur sur lequel ils sont produits est considéré comme une solution d’attente jusqu’à ce qu’une installation de stockage soit disponible. Le projet de stockage à Yucca Mountain étant suspendu depuis 2010, plusieurs scénarios d’entreposage longue durée sont envisagés.
Par ailleurs, la directive européenne 2011/70/Euratom du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs rappelle que « l’entreposage de déchets radioactifs, y compris de long terme, n’est qu’une solution provisoire qui ne saurait constituer une alternative au stockage ».
La séparation-transmutation consiste à isoler puis à transformer, sous flux neutronique, dans un réacteur, des radionucléides dont la période radioactive est longue ou très longue en éléments stables (non radioactifs) ou à vie très courte. Ce procédé est précédé d’une étape de séparation qui permet d’isoler les divers radioéléments pour les soumettre à des flux neutroniques spécifiques. Différents procédés de transmutation ont été étudiés par de nombreux pays[3] et au sein de projets internationaux[4]. Ces procédés font toujours l’objet de recherches mais « ne font pas l’objet de développements particuliers dans le cadre de programmes nationaux de gestion des déchets HA-MAVL », selon le rapport de l’IRSN.
La France a été l’« un des principaux contributeurs aux avancées sur la séparation et la transmutation dans le cadre de l’application de la loi Bataille de 1991[5] ». Ce procédé a en effet été envisagé pour la gestion des déchets les plus radioactifs (de haute activité) dès 1991 et faisait partie des axes de recherche fixés par la loi précitée concernant les déchets de haute activité à vie longue.
L’IRSN a cependant rendu un avis technique sur la transmutation[6] dont voici un extrait : « Les résultats de quinze années de recherche sur la séparation-transmutation ont montré que seuls certains radionucléides pourraient être transformés avec la transmutation et que la mise en œuvre d’un tel procédé ne supprimait donc pas le besoin d’un stockage géologique profond. La transmutation des actinides mineurs dans les réacteurs à eau pressurisée du parc actuel ne permettrait de transformer que des quantités modestes de ces éléments et par conséquent ne semble pas pertinente. En revanche, des rendements significatifs peuvent toutefois être obtenus dans les réacteurs à neutrons rapides, dits de quatrième génération, ou dans des systèmes, à neutrons rapides, dédiés de type ADS.
En effet, il a été établi que la transmutation de certains radionucléides présentait soit très peu d’intérêts, soit était très difficile voire impossible. C’est le cas de la transmutation de certains actinides mineurs (du neptunium et du curium) et des produits de fission à vie longue. Il est donc considéré aujourd’hui que seule la transmutation de l’américium (actinide mineur) dans des réacteurs à neutrons rapides de quatrième génération présenterait un intérêt vis-à-vis de l’optimisation de la taille du stockage des déchets ultimes. Elle serait néanmoins associée à un retraitement poussé permettant de le séparer des autres actinides mineurs et des produits de fission. Sa mise en œuvre à l’échelle industrielle ne pourrait intervenir qu’avec le déploiement important de réacteurs à neutrons rapides.
Pour plus d’informations, nous vous invitons à lire la fiche n°12 du livret « approfondir ses connaissances » au sein du Dossier du maître d’ouvrage, mais également notre réponse à la question 59.
Le stockage en forages « consiste à placer les déchets dans des ouvrages verticaux creusés dans la roche dans l’objectif de les isoler des phénomènes naturels de surface, de réduire les possibilités de mise en contact avec l’homme en réduisant leur accessibilité et enfin de prévenir la dispersion de leur contenu dans l’environnement. Au travers de ces objectifs et parce qu’elle met à contribution le milieu géologique, cette option s’apparente beaucoup à l’option de stockage en couche géologique profonde. Elle s’en distingue cependant par certaines spécificités importantes. Alors que le stockage géologique repose sur le creusement d’une installation souterraine dans laquelle les déchets sont acheminés puis mis en place dans des alvéoles spécialement conçues et aménagées, toutes les opérations de stockage en forages sont réalisées à partir de la surface, depuis le creusement et la manutention des colis jusqu’aux opérations de fermeture. Pour un même type de déchets (HA ou MAVL), la profondeur visée pour certains concepts de stockage en forage peut être par ailleurs bien supérieure à celle d’un stockage géologique ».
Plusieurs types de stockage en forages sont mentionnés dans le rapport de l’IRSN :
- L’immobilisation de déchets exothermiques dans la roche en fusion. La plupart des concepts de ce type ont été explorés aux États-Unis. Certaines options ont également été étudiées en Russie, en Chine et au Royaume-Uni. Une seule option est encore étudiée à ce jour, par les Etats-Unis et envisagée comme solution de stockage pour les sources au césium et au strontium de Hanford.
- L’injection de déchets liquides en forages profonds. Ce type d’opérations a été réalisé aux Etats-Unis entre 1966 et 1979 et en Russie depuis 1962. En Russie, quatre forages réalisés servent encore à l’injection d’effluents de faible activité. Les volumes injectés ont cependant considérablement diminué depuis 1992. Au Royaume-Uni, l’injection de déchets radioactifs liquides dans les roches, après avoir été examinée, est désormais jugée contraire à la réglementation britannique en vigueur. A la connaissance de l’IRSN, l’injection dans les roches n’est désormais envisagée par aucun pays en tant qu’option de gestion définitive des déchets de moyenne ou de haute activité. En France, les études et recherches sur l’injection de déchets et effluents radioactifs conduites dans les années 1970 ont été menées en lien avec les réflexions similaires engagées par d’autres secteurs industriels. Ces études ont notamment conduit à contribuer au développement des techniques de fracturation hydraulique employées par les industriels pétroliers et gaziers. Ces investigations ont été progressivement abandonnées en France à la fin des années 1980.
- Le stockage de déchets solides et conditionnés en forages. Le premier concept a été étudié par les États-Unis en 1957. Des recherches sur le stockage en forages profonds ont également été menées dans plusieurs pays tels que le Danemark, la Suisse, la Suède, la Finlande et le Royaume-Uni. En 2009, l’AIEA a édité un guide spécialement consacré au stockage en forage de sources radioactives scellées retirées du service et de petits volumes de déchets. Pour la gestion à long terme des sources radioactives scellées, des pays tels que le Ghana, la Malaisie, la République de Chypre, la Moldavie et le Brésil ont retenu le concept proposé par l’AIEA comme option de référence. Pour les petits volumes de déchets (à l’exclusion de ceux de haute activité), les Émirats Arabes Unis ont également retenu ce concept comme référence, tandis que cette option est à l’examen en Australie, à Cuba ou encore en Jordanie. Les quantités et les activités que représentent les déchets concernés par ces différents programmes sont sans commune mesure avec celles des déchets HA-MAVL découlant de l’exploitation d’un parc de réacteurs électronucléaires. S’agissant des pays nucléarisés, certains maintiennent une veille sur le sujet (par exemple la Suède) et d’autres considèrent le stockage en forage comme une option possible, au même titre qu’une installation de stockage géologique (par exemple la Belgique), mais seuls les États-Unis poursuivent des études poussées même si le stockage en forage n’est actuellement pas retenu pour la gestion à long terme des combustibles usés.
Compte tenu des quantités de déchets qu’elle a à gérer, la France n’a pas retenu ces options de stockage en forage et elles n’ont donc pas fait l’objet de travaux spécifiques en France.
Les Maîtres d'ouvrage.
[1] « Après application d’une série de critères incluant notamment la faisabilité de la solution, l’impact sur l’environnement, la charge pour les générations futures, la sécurité et la santé, le choix a été restreint à diverses options de stockage (géologique ou en forages) et d’ELD (centralisé ou non, en surface ou en souterrain). Ces différentes options ont ensuite été classées en combinant un jeu de critères supplémentaires qui incluait les attentes de la société civile. A l’issue de ce travail, le groupe d'experts auprès des autorités du Royaume-Uni sur la gestion des déchets radioactifs, le CoRWM (Committee on Radioactive Waste Management) a proposé de privilégier le stockage géologique pour la gestion à long terme des déchets précités »
[2] Le groupe d'experts pour la gestion des déchets radioactifs en Suisse, l’EKRA « a recommandé d’écarter les options d’entreposage de longue durée en raison de l’absence de garantie, sur les périodes considérées, de l’intégrité de l’installation et des incertitudes sur les évolutions de la société »
[3] États-Unis, Europe, au Japon, France, Russie, Chine, Corée du Sud, Inde, Royaume-Uni, Allemagne
[4] Projet européen EUROTRANS, projet MYRRHA (« Multi-purpose hYbrid Research Reactor for High-tech Applications »), développé en Belgique
[5] Loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs
[6] Cet avis est consultable sur le site internet de l’IRSN : https://www.irsn.fr/dechets/cigeo/Documents/Fiches-thematiques/IRSN_Debat-Public-Cigeo_Fiche-Transmutation.pdf
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