Débat public - Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs
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C30 • Pour la Transmutation 2, La piste négligée
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Les responsable du nucléaire en France ont toujours vu l’avenir de leur industrie dans le passage du relais entre les réacteurs à neutrons lents d’aujourd’hui et de futurs réacteurs à neutrons rapides surgénérateurs. Ainsi le retraitement trouverait tout son sens, valorisant les stocks d’uranium issus du traitement des combustibles usés ou de l’enrichissement du combustible. Cerise sur le gâteau : on pourrait en profiter pour faire un peu de transmutation. Mais les vicissitudes de la filière française des surgénérateurs laissent planer un doute sur l’apparition de ces réacteurs et l’aisance de cette transition. Au demeurant la transmutation est beaucoup plus efficace dans une installation dédiée que dans un réacteur électrogène.
Le plutonium est la corne d’abondance des démiurges du nucléaire puisque les surgénérateurs brûlant le plutonium produit par les réacteurs actuels pourraient entretenir des siècles d’autarcie en fabriquant sans cesse du plutonium nouveau à partir d’uranium. Il faut 15 tonnes de plutonium pour démarrer un surgénérateur, environ 900 tonnes si l’on devait remplacer le parc nucléaire actuel par des surgénérateurs. C’est beaucoup de plutonium au devenir aléatoire.
Ce n’est pas ici le lieu d’évoquer l’incertitude qui pèse sur l’avenir du nucléaire en France et ses conséquences sur les investissement ou le renouvellement du personnel. Sans doute que les EPR à la taille mal adaptée à un réseau électrique accueillant des sources renouvelables beaucoup moins puissantes arrivent tardivement. Mais il est trop tôt pour savoir ce que seront les futurs réacteurs modulaires de quatrième génération. L’absence d’une stratégie claire est inquiétante par rapport aux stocks d’uranium qui s’empilent (330 000 t) et aux perspectives de recyclage et d’élimination du plutonium. S’il y a moins de réacteurs pour le brûler à la suite d’une diminution de la part nucléaire dans la production d’électricité, le retraitement sera moins nécessaire. Quant au plutonium, il restera stocké dans le combustible usé et il s’ajoutera au plutonium dégradé et aux actinides mineurs des combustibles MOX usés non retraités. Le stock de déchets s’accroitra, la quantité de plutonium et d’actinides mineurs augmentera.
Les vœux des rédacteurs des plans de gestion des déchets vont à la stabilisation et la réduction des déchets tandis que flotte encore chez les ingénieurs du nucléaire l’envie d’une thésaurisation de matières stratégiques, uranium et plutonium, qui se révèlerait fructueuse un jour. A la demande des autorités de régulation, des études sont menées pour évaluer la possibilité de recycler, voire multi-recycler, le plutonium dans les réacteurs actuels de 1300 MWe et les futurs EPR. Mais, ces réacteurs n’ont pas été conçus pour cela, leur sûreté pourrait en être affectée, ce recyclage produirait des déchets de plus en plus difficiles à traiter, et EDF y verrait-il un avantage concurrentiel ou un fardeau encombrant pesant sur le prix de l’électricité.
Le moment est venu où il faut trancher : amasser ou éliminer le plutonium ? S’il reste dans les combustibles usés, il sera le principal déchet HAVL et il représentera l’essentiel de la radiotoxicité des actinides. Il faudra bien diminuer le stock. La transmutation est l’un des recours. C’est pourquoi, quel que soit l’avenir du programme nucléaire français, il est prudent d’accélérer la mise au point du premier démonstrateur de réacteur transmuteur.
La France doit développer sa collaboration à l’effort conjoint européen de R&D. L’objectif est la mise au point des transmuteurs industriels (EFIT). Cette perspective servira les stratégies des pays qui renoncent à l’énergie nucléaire comme à ceux qui continueront de l’exploiter, en hâtant la sortie des premiers, en maintenant réduits les déchets à long terme des seconds. La transmutation du plutonium, nécessaire aux premiers, serait une option ouverte aux seconds.
La Transmutation est une vérité scientifique démontrée. Il est étonnant qu’on puisse encore trouver dans les médias l’affirmation selon laquelle il serait impossible d’affronter le problème des déchets nucléaires, au risque d’abuser l’opinion publique et les décideurs politiques. La vérité scientifique est que la transmutation des éléments radioactifs de haute activité à vie longue, qui concentrent l’essentiel (~95%) de la radioactivité des déchets nucléaires civils, permet de réduire significativement la radiotoxicité, la charge thermique et la durée de vie de déchets résiduels destinés à l’enfouissement géologique.
La démonstration de la possibilité de transmutation industrielle, notamment de celle des actinides mineurs, voire du plutonium, aujourd’hui considéré comme un combustible mais qui dans l’hypothèse du renoncement final à l’électronucléaire deviendrait la matière dominante des déchets ultimes d’un point de vue radiotoxicité et chaleur résiduelle, ne peut être plus longtemps négligée.
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